Congrès du PS valaisan
13 octobre 2007 à Martigny 

Intervention de Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU),
vice-président de l’US

Pour vaincre, la gauche doit susciter un puissant courant d’espérance

Chers camarades, chers amis,

La période actuelle se caractérise par un durcissement sans précédent des rapports politiques et sociaux dans notre pays. Cela s’exprime par la politique que mènent  les conseillers fédéraux Blocher, Merz et Couchepin. Une politique qui ne sert qu’un objectif : favoriser au mieux les intérêts du grand capital. Ce durcissement s’observe aussi dans les relations entre partenaires sociaux, comme en témoigne « l’udécéisation » des organisations patronales et la volonté de certaines d’entre elles de mépriser autant que possible le mouvement syndical, comme par exemple dans la construction, avec la dénonciation unilatérale de la CCT de la branche. 

Alors que nous avions toujours cru que la croissance entraînerait un recul des inégalités, c’est le contraire qui se produit. Alors qu’au Tessin, en Valais et dans le Jura, il y a encore des gens qui gagnent moins de 3'000 francs par mois, Ospel et Vasella gagnent 600 fois plus ! La dégradation des rapports sociaux se manifeste aussi par le développement des formes de travail atypiques, comme le travail sur appel ou le travail temporaire. 

Le PS est capable de sortir de ce marasme, à condition qu’il ne perde pas son identité. Historiquement, le PS a surtout été le parti des ouvriers. Au fil des ans, il a aussi conquis les faveurs de la nouvelle classe moyenne, les enseignants, les ingénieurs, les travailleurs sociaux et culturels. 

Cette évolution est positive, car si ceux d’en bas veulent battre ceux d’en haut, ils doivent s’allier avec ceux du milieu. Autrement dit, les transformations que nous voulons ne pourront se mettre en place que si nous réalisons l’alliance de la classe ouvrière, au sens large du terme, et de la nouvelle classe moyenne. Or, le PS a quelque peu « oublié » le monde du travail. Et cela a eu de graves conséquences, en particulier le fait que lors des élections de 2003, 32 % des ouvriers ont voté pour l’UDC. 

Le PS ne pourra pas réaliser seul tous ses projets. Au-delà des partis de gauche, le PS doit améliorer ses relations avec d’autres acteurs du changement, comme les organisations de protection de l’environnement, le mouvement féministe, les locataires, les sans papiers ou les altermondialistes.

Mais le PS doit surtout renforcer ses liens avec le mouvement syndical. Ensemble, camarades, les syndicats et le PS ont gagné quelques grandes batailles. Je pense lors de la dernière législature à l’assurance maternité, aux allocations familiales, au renforcement des mesures d’accompagnement liées à la libre circulation des personnes, au rejet du paquet fiscal et de la 11e révision de l’AVS. 

Si l’on regarde l’histoire du XXe siècle, c’est cette alliance qui a permis les plus beaux succès du mouvement ouvrier, comme l’expérience social-démocrate des pays nordiques, ou celle du Front populaire. En 1936, la gauche était majoritaire. Mais les syndicats avaient aussi une capacité de mobilisation énorme, des millions de grévistes occupaient des usines dans toute la France. Et c’est cette articulation entre le politique et le syndical qui a fait du Front populaire l’un des plus grands laboratoires sociaux de tous les temps, avec la semaine de 40 heures et les premiers congés payés. 

Par ailleurs, le PS a remporté de nombreuses votations fédérales. Entre 2004 et 2007, la majorité des citoyens du pays ont suivi le mot d’ordre du PS dans 14 cas sur 26, ce qui équivaut à un taux de réussite de 54 %. 

Ces succès sont importants, mais nous devons être encore plus ambitieux, en mettant l’accent à l’avenir sur les lignes de force suivantes : 

Des salaires décents avec un salaire minimum absolu à 3'500 francs brut par mois.

• Des conditions de travail correctes en assurant des conditions de sécurité maximales sur les lieux de travail et en mettant en place des mesures qui permettent de prévenir et de combattre le stress. Il faut enfin soumettre toutes les formes de travail atypiques, en particulier le travail temporaire, à une réglementation plus stricte.

La réduction du temps de travail et le droit aux vacances. Il faut combattre l’offensive de la droite et du patronat pour une augmentation du temps de travail. A plus long terme, je défends l’idée de la semaine de 4 jours, qui pourrait être la nouvelle utopie du 21e siècle.

Une formation continue digne de ce nom avec un congé de formation payé de cinq jours par année. Car la formation est indispensable à l’épanouissement de l’individu et au développement économique.

Ces dernières années, la droite a porté de multiples attaques à notre système de retraites. Elle a partiellement réussi cette opération, puisque l’âge de la retraite des femmes est passé de 62 à 64 ans. A l’instar de Pascal Couchepin, qui voudrait porter l’âge de la retraite à 67 ans, certains n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin. 

Mais ça bouge aussi du côté syndical ! Dans la construction, les travailleurs ont droit à la retraite dès 60 ans, alors que dans l’horlogerie, les travailleurs peuvent partir en retraite une année avant l’âge légal. Enfin, l’Union syndicale suisse (USS) a déposé une initiative populaire qui demande la retraite à 62 ans pour toutes et tous.

• L’égalité entre les hommes et les femmes doit être aussi une priorité absolue, particulièrement en Suisse car les différences salariales y sont énormes. En outre, il faut absolument favoriser une meilleure répartition des tâches au sein du couple. Des solutions concrètes existent et doivent être revendiquées :

-une extension du congé maternité à 16 semaines payées à 100% au lieu des 14 semaines actuellement payées à 80%. -un congé d’adoption et un congé paternité de deux mois au moins

-Enfin, à moyen terme, les montants minimum des allocations familiales devraient être doublés. 

• On ne bâtira pas l’avenir sans une transformation écologique de la société. Et ceci d’autant plus qu’une croissance qualitative, respectueuse des salariés et de l’environnement, génère beaucoup d’emplois qu’une croissance axée sur le profit à court terme. 

Enfin, une vision d’avenir du socialisme ne saurait se concevoir sans la volonté d’insérer davantage notre pays dans les relations internationales. Deux objectifs sont prioritaires : 

  1. L’augmentation de l’aide au développement à 0,7 % du produit intérieur brut (PIB)
  2. L’adhésion de la Suisse à l’Union européenne et la construction d’une Europe sociale. Car si la voie bilatérale a jusqu’ici profité au capital industriel et financier, les travailleurs n’ont guère récolté les fruits des standards sociaux meilleurs en vigueur au sein de l’Union européenne.

Après l’exposé des quelques grandes lignes de ce programme politique, certains commenceront déjà par demander combien cela coûtera et qui paiera. Et bien il faut répondre qu’il s’agit avant tout de choix politiques. L’exemple le plus parlant est certainement celui-ci :

• La réforme de l’imposition des entreprises rapportera un milliard aux 40'000 actionnaires les plus riches du pays. Ne serait-il pas plus intelligent d’utiliser ce milliard pour augmenter les rentes AVS ou les allocations familiales de 50 francs par mois, ce qui, dans chaque cas, profiterait à plus de 1 million de personnes !

Mais, pour faire passer notre programme, camarades, il faudra aussi trouver un cadre politique approprié. Ce n’est pas avec l’actuelle majorité politique de droite au Parlement et de droite dure au Conseil fédéral que nous y arriverons. 

Surtout que, depuis une quinzaine d’années, la donne a fondamentalement changé : 

· L’UDC a surfé sur les difficultés sociales dues à l’absence de croissance pour aviver les sentiments xénophobes et menacer l’Etat-Providence.

· La droite dite modérée n’a pas fait grand-chose pour contrer cette politique. Paralysés par la déferlante UDC, les partis radical et démocrate-chrétien ont contribué au durcissement des lois sur l’asile et les étrangers, ainsi qu’à la mise au placard du projet d’adhésion à l’Union européenne.

· C’est aussi ensemble que les radicaux, le PDC et l’UDC ont tenté de démanteler l’AVS, ont réduit les prestations aux chômeurs, ont refusé la construction d’une assurance maladie sociale, ont affaibli les services publics, tout en réduisant les impôts de celles et ceux qui gagnent plus de 150'000 francs par année !

 Voilà le bilan de la droite dite modérée ! 

Dès lors camarades, ma ligne n’a pas changé depuis 2003. Et elle se voit encore confortée par l’attitude de Blocher au sein du Conseil fédéral qui a  bien montré sa ligne : le blochérisme est une sorte de « soft totalitarisme », caractérisée par une volonté de mainmise quasi absolue sur les pouvoirs politique, économique et médiatique. De plus, la campagne xénophobe et douteuse de son parti a été cette année, encore plus que jamais, tout simplement honteuse.  

Le PS n’aura donc qu’une seule alternative après le 21 octobre :  

· Ou bien il convainc le PDC, voire les radicaux, qu’il faut éjecter l’UDC du Conseil fédéral et qu’il est nécessaire de se mettre d’accord – avec les Verts - sur un programme minimal. 

· Ou bien il entre dans l’opposition et construit, avec les Verts, toute la gauche, les syndicats et les mouvements sociaux, une politique de rechange à celle de la bourgeoisie. 

Ce choix pour le PS sera certes délicat. Mais la politique est fondée sur des choix et le succès passe par le retour au goût du risque. Et je suis persuadé qu’à moyen et à long terme, ce n’est qu’en formulant une réelle alternative au système actuel que nous parviendrons à progresser sérieusement.

Dans un remarquable ouvrage, Quand la gauche essayait, Serge Halimi, journaliste au « Monde diplomatique », a montré que durant des décennies, les socialistes et la gauche française avaient beaucoup « essayé ». Et c’est parce qu’ils ont beaucoup essayé qu’ils ont obtenu les congés payés et la semaine de 40 heures en 1936. En Suisse, en 2002, c’est parce qu’ils ont « essayé » et se sont mis en grève que les travailleurs du bâtiment ont obtenu la retraite à 60 ans.

Oui, camarades, c’est en renouant avec cette grande tradition du mouvement ouvrier que nous serons à nouveau capables de générer beaucoup d’espérance et de ne pas décevoir toutes celles et ceux qui nous font confiance. Comme le disait François Mitterrand : « La leçon du Cartel des gauches (1924-1926) est claire : Pour vaincre, la gauche doit susciter un puissant courant d’espérance, pour durer, elle ne doit pas le décevoir. »

Et bien, chers amis, nous avons la capacité de créer ce grand courant d’espérance, de rendre leur dignité aux travailleuses et aux travailleurs. Cela ne dépend que de nous, de notre capacité à nous battre et à nous mobiliser. Ici, en Valais, je suis sûr que vous en êtes capables, comme nous dans le Jura, canton qui résiste très solidement aux sirènes blochériennes.

Vivent les socialistes valaisans et jurassiens ! Vive le socialisme !
Vive notre réussite au soir du 21 octobre !