Opinion

Le Jura qui dit oui existe, je l’ai rencontré

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), vice-président de l’USS

Suite à quelques récents scrutins populaires, certains observateurs et responsables politiques sont parvenus à la conclusion que le Jura est un canton qui dit « non » à tout : non à Jura pays ouvert (programme de développement économique), non à l’éligibilité des migrant-es dans les exécutifs communaux, non à un terrain de golf à Delémont.

Outre le fait que les motifs de rejet de ces différents projets ne sont pas les mêmes et que ce ne sont pas toujours les mêmes électeurs qui disent « non », cette théorisation du « non » ne reflète pas la réalité politique et sociale de ce canton.

Lors de nombreuses votations, les Jurassiennes et les Jurassiens ont montré qu’ils savaient dire « oui » au progrès social, à l’ouverture internationale ou à l’amélioration de la formation. Ces dernières années, ils ont approuvé, sur le plan fédéral, l’assurance maternité et les allocations familiales, la caisse maladie unique et sociale, l’article constitutionnel sur la formation, les accords bilatéraux, leur extension aux nouveaux pays de l’Union européenne et les mesures visant à combattre la sous-enchère salariale liée à la libre circulation des personnes.

Au niveau cantonal, ils ont accepté, le 17 juin dernier, la création d’un fonds de formation professionnelle, exprimant ainsi l’idée que la formation joue un rôle essentiel dans l’épanouissement des individus et qu’elle est l’un des moteurs de la croissance. Ce que les partis bourgeois et la Chambre de commerce ne semblent pas avoir compris. Le « Jura qui dit non » n’est pas toujours là où on le croit.

Les milieux politiques devraient se servir de l’énergie de ce Jura qui dit oui pour mettre en oeuvre les mesures suivantes :

• Améliorer les voies de communication. Même si les travaux mériteraient un coup d’accélérateur, la Transjurane sera une réalité de Boncourt à Bienne dans quelques années. Un même effort doit être mené au niveau des relations ferroviaires : connexion du Jura au TGV Rhin-Rhône via Delle ; création d’une liaison plus performante entre Bâle et La Chaux-de-Fonds via Delémont ; relations plus rapides entre le Jura, les grandes villes romandes et Berne. S’il est important de créer des emplois dans le Jura, il faut aussi permettre à une partie des Jurassiens d’accéder plus facilement aux emplois de l’extérieur, afin qu’ils continuent de vivre dans le Jura et y paient leurs impôts.

• Investir mieux et davantage dans la promotion économique. Les efforts entrepris depuis l’entrée en souveraineté ne sont pas négligeables. Ils ne sont toutefois pas suffisants, si on les compare à ceux d’autres cantons. Durant le premier semestre de 2007, le « DEWS », l’organe de promotion économique commun aux cantons de Vaud, Neuchâtel, Valais et Jura, a réalisé plus de 60 implantations d’entreprises, mais seules trois concernent le Jura. Certes, la promotion coûte cher, mais si l’on veut générer beaucoup d’emplois et de recettes fiscales, les investissements doivent être à la hauteur des ambitions.

• Trouver un créneau spécifique. Par rapport à d’autres cantons, le Jura doit faire face à des handicaps supplémentaires, en particulier l’absence d’un centre universitaire. Toutefois, la réussite neuchâteloise tient d’abord au fait qu’à partir du savoir-faire horloger, ce canton a fondé l’essentiel de sa politique de promotion sur les microtechniques et le technico-médical. Cela a si bien réussi que Neuchâtel est pratiquement la seule référence pour les entreprises de ce dernier secteur qui veulent s’implanter en Suisse. A l’inverse, la politique jurassienne donne l’impression d’aller dans trop de directions. Avec plusieurs nouvelles implantations dans les branches de l’horlogerie, des microtechniques et de l’informatique, les Franches-Montagnes ont fait un bout de chemin dans cette (bonne) direction. Cette dynamique est fondamentale, car l’industrie restera pour un bon bout de temps encore la colonne vertébrale de l’économie jurassienne.

• Attirer un tourisme familial, sportif et culturel. Avec des sites uniques, une nature largement préservée ou les traces de dinosaures, le Jura dispose d’atouts incomparables pour attirer un tourisme familial et sportif. Il faut aussi développer le volet culturel. Des initiatives comme « Pianos à Saint-Ursanne » vont dans la bonne direction. Mais elles doivent être mieux coordonnées, de manière, à ce que les touristes puissent séjourner plus longuement dans notre région. Enfin, il faut que l’intendance (hôtellerie, gîtes ruraux, restauration) suive.

• S’ouvrir et s’unir. Le développement économique ne saurait se concevoir en vase clos. Or, le Jura paraît trop replié sur lui-même. Les coopérations avec Bâle, l’Arc jurassien et la France voisine doivent être intensifiées. Mais pour s’ouvrir, il faut d’abord être unis. Les Jurassiennes et les Jurassiens doivent mettre fin à leurs querelles de clochers, parler d’une même voix face aux grands groupes économiques, aux autres cantons et à la Confédération. Les Valaisans connaissent des luttes politiques bien plus animées que les nôtres, mais face à la Berne fédérale, ils marchent en rangs serrés !

• Respecter un pacte social. Pour distribuer, il faut d’abord produire. Certes, mais il faut aussi donner envie de produire. Or, avec le Tessin et le Valais, le Jura fait partie des cantons qui offrent les plus bas salaires. Dans ce coin de pays, les travailleuses et les travailleurs qui gagnent moins de 3'000 francs par mois ne sont pas rares. Pour ne prendre que l’exemple de l’horlogerie, si 70 % des entreprises sont soumise à la convention collective de la branche sur le plan suisse, elles ne sont que 46 % dans le Jura. Or, le Jura n’améliorera pas son image si les employeurs n’acceptent pas de respecter un pacte social minimum, en termes de salaires, de qualité des emplois et de formation continue.