Fête du Travail du 1er mai 2008 à Fleurier 

Intervention de Jean-Claude Rennwald, vice-président de l’USS, membre du comité directeur d’Unia, conseiller national (PS/JU)

Chers collègues, chers camarades, chers amis, 

J’aimerais tout d’abord vous dire tout le plaisir que j’ai d’être parmi vous ce soir. Car en tant que responsable de l’horlogerie du syndicat Unia, je considère un peu le canton de Neuchâtel comme ma deuxième patrie, tant l’horlogerie joue un rôle important dans votre région. Et à ce propos, je suis en mesure de vous annoncer une très bonne nouvelle, à savoir que les deux dernières entreprises du Swatch Group qui n’étaient pas encore conventionnées, Dress Your Body à Corcelles et Indexor à La Chaux-de-Fonds, sont désormais signataires de la convention collective de la branche. Quelque 200 nouveaux  travailleurs à court terme, 500 à moyen terme, bénéficieront ainsi des acquis sociaux de l’une des meilleures conventions collectives du pays. 

Je connais aussi bien le canton de Neuchâtel et le Val-de-Travers par un autre biais, puisque c’est ici que j’ai effectué pratiquement tous mes cours de répétition. Ce n’est certes pas le meilleur souvenir de ma vie, d’autant plus que j’ai toujours considéré que durant toute son histoire, l’armée suisse avait pour l’essentiel été une armée de répression intérieure, notamment lors de la Grève générale de 1918 et en 1932 à Genève. Mais comme Jurassien, j’ai gardé de cette contrée l’image d’un pays attachant, d’une population qui, comme toutes celles des régions périphériques, a été profondément marquée par les crises économiques et la concentration du capital. 

Si l’on mesure le chemin parcouru depuis les premières luttes ouvrières, force est d’admettre que la situation sociale du monde du travail s’est améliorée, que le pouvoir d’achat a augmenté, que la durée du travail a diminué ou encore que la sécurité sociale offre des protections plus généreuses. 

Mais attention, chers amis, ces acquis sociaux sont de plus en plus menacés, comme en témoignent quelques exemples récents : 

• Avant les fêtes de Pâques, la majorité bourgeoise du Conseil national a décidé de relever l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, tout en refusant, contrairement aux promesses faites depuis des années, de consacrer le moindre centime à la flexibilisation de l’âge de la retraite. 

• Patron de l’UBS, Marcel Ospel a fini par sauter de son siège. Il n’empêche que durant des années, cet homme a été l’un des principaux symboles de ce capitalisme bancaire et financier méprisant à l’égard des créateurs, notamment industriels, et de tous ceux qui refusent d’adhérer à l’idéologie ultralibérale. 

• Voici quelques mois, la direction des CFF a annoncé, sans aucune concertation préalable avec le Syndicat des transports (SEV), la suppression de plusieurs centaines d’emplois non seulement à Bellinzone, mais aussi à Fribourg et à Bienne, et le transfert d’une partie de ces places de travail dans d’autres régions. 

• Enfin le patronat de la construction a dénoncé unilatéralement la convention collective de travail (CCT) de la branche, sous prétexte que les horaires de travail ne sont pas assez flexibles. Or, aujourd’hui déjà, les maçons peuvent parfois travailler jusqu’à 11 heures par jour ! Par leur attitude arrogante, les employeurs de la construction ont pris un risque immense s’agissant de la reconduction de la libre circulation des personnes et de son extension à la Bulgarie et à la Roumanie. 

• Dans le même laps de temps, on apprenait qu’en Suisse, 700'000 personnes gagnent toujours moins de 4'000 francs par mois, et que 200'000 sont des travailleurs pauvres, c’est-à-dire des personnes qui, bien qu’ayant un emploi, ne peuvent pas se permettre des dépenses pourtant vitales. Patron des CFF, Andreas Meyer a moins de soucis, puisque son salaire annuel atteint presque 1,2 million de francs, soit trois fois celui d’un conseiller fédéral ! 

• Dans la plupart de ces cas, heureusement, la résistance s’organise ou s’est organisée. Si le Parlement ne modifie pas sa position, l’Union syndicale suisse (USS) lancera le référendum contre la 11e révision de l’AVS et se battra pour faire triompher son initiative populaire en faveur de la retraite dès 62 ans pour toutes et tous. Cet objectif est fondamental, car aujourd’hui, beaucoup de travailleuses et de travailleurs sont physiquement et psychiquement épuisés lorsqu’ils passent le cap de la soixantaine. A quoi s’ajoute le fait que les patrons qui sont favorables à une élévation de l’âge de la retraite sont les mêmes que ceux qui refusent d’embaucher des salariés âgés de plus de 50 ans ! 

• Dans le bâtiment, une mobilisation hors du commun et de nombreuses grèves ont fini par l’emporter sur l’arrogance de Werner Messmer et consorts. Même si nous sommes et si nous serons toujours favorables à la négociation, cet exemple montre que dans certains cas, lorsque la coupe déborde, les travailleurs n’ont pas d’autre choix que de recourir à l’arme de la grève. Que le patronat ouvre toutes grandes ses oreilles : Si nécessaire, nous lancerons encore d’autres grèves, aussi nombreuses et aussi longtemps qu’il le faudra ! 

• Enfin, dans plusieurs régions de Suisse, en particulier au Tessin, les travailleurs de CFF Cargo peuvent compter sur une large solidarité. L’action des travailleurs de Bellinzone a été exemplaire, chers collègues, grâce au soutien interprofessionnel des syndicats SEV et Unia, mais aussi de l’ensemble de la population tessinoise. Mais il faut tout de même se demander jusqu’où ira la bourgeoisie. Car dans le conflit de CFF Cargo, nos collègues n’ont pas encore gagné. Et il leur aura fallu un mois de grève pour obtenir non pas des résultats, mais le droit à une véritable négociation ! 

Alors qu’elle n’a jamais été aussi riche, la Suisse n’avait plus connu une telle ébullition depuis longtemps. Il est temps que la classe dirigeante s’en rende compte, plutôt que de souffler sur la braise. 

L’Union syndicale suisse (USS), vous le savez sans doute, a récemment lancé une nouvelle campagne sur les salaires, avec pour exigence principale un salaire minimum de 3'500 francs pour tous et un salaire minimum de 4'500 francs pour les travailleuses et les travailleurs qualifiés.

Et bien, chers collègues, cette campagne est essentielle, puisque dans ce pays, 11 % des salariés gagnent encore moins de 3'500 francs par mois et 22 % moins de 4'000 francs. 

Pour être encore plus concret, j’ajoute que dans l’industrie horlogère et microtechnique jurassienne, nous avons récemment découvert des salaires inférieurs de 300 à 600 francs au minimum conventionnel, le sommet, si l’on peut dire, étant atteint par une ouvrière touchant 2'544 francs par mois. Les patrons qui proposent des salaires aussi infâmes devraient se voir retirer le droit d’exercer leur métier !

Mais il ne faut pas se contenter de dénoncer, il faut aussi agir. Raison pour laquelle Unia a décidé de demander l’extension  de la CCT (force obligatoire) de l’horlogerie dans le canton du Jura et le Jura bernois.

Je sais que je me trouve ce soir dans une région où la question frontalière est très sensible, comme chez moi d’ailleurs. Ce que je voudrais dire clairement à ce propos, c’est que nos collègues frontaliers ne sont pas responsables du dumping social et de la sous-enchère salariale. Non, les responsables de ce dumping, ce sont un certain nombre de patrons sans foi ni loi, qui essayent d’opposer les différentes catégories de travailleurs entre elles.

Or, ce n’est pas la voie à suivre. Depuis sa création, le mouvement syndical est internationaliste. Fidèle à cette tradition, le syndicat Unia vient de publier une brochure intitulée « Suisses, frontaliers, immigrés. Les mêmes droits pour toutes et tous. » Oui, camarades, les travailleurs, quelle que soit leur nationalité, doivent avoir les mêmes droits et les mêmes salaires à qualification égale. C’est ainsi que nous pourrons combattre sérieusement le dumping social et salarial, et non pas en embouchant les trompettes d’un parti qui pense pouvoir régler tous les problèmes en cultivant la haine, l’intolérance et la xénophobie.

Comme on célèbre ces jours le 40e anniversaire de Mai 68, une période durant laquelle la classe ouvrière fut très présente, avec 10 millions de grévistes dans toute la France et des milliers d’usines occupées, souvenons-nous de ce magnifique slogan : « Les frontières, on s’en fout. » Oui, abattons les frontières entre travailleuses et travailleurs, afin de nous concentrer sur l’essentiel, à savoir la construction d’une Suisse et d’une Europe sociales.

Dans le même esprit, je vous demande de vous rendre massivement aux urnes, le 1er juin prochain, afin de rejeter l’initiative de l’UDC pour des naturalisations pseudo-démocratiques ainsi que le contreprojet du Parlement à l’initiative de la même UDC sur l’assurance-maladie. Car nous ne voulons pas de naturalisations à la tête du client, alors que l’acceptation du texte sur l’assurance-maladie serait une véritable catastrophe pour 80 % de la population de ce pays, dans la mesure où il veut donner les pleins pouvoirs aux caisses et opérer un immense démantèlement des prestations de l’assurance maladie de base. 

Mais d’ici là, n’oublions pas que le 1er mai, c’est d’abord la fête des travailleuses et des travailleurs. Alors, que la fête soit belle, et vive les luttes du monde du travail !