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Manifestation de soutien aux grévistes de Swissmetal Boillat, 11 février 2006

Allocution de Jean-Claude Rennwald, vice-président de l’Union syndicale suisse (USS), conseiller national (PS/JU)

Chers collègues, chers amis,
Travailleuses et travailleurs de la Boillat,

 

 

Nous voici à nouveau réunis à l’occasion de la fête des travailleuses et des travailleurs du monde entier. Dans ce pays comme ailleurs, d’aucuns pensent qu’en organisant encore une telle manifestation au XXIe siècle, nous sommes des conservateurs et des ringards.

Et bien, chers collègues, si défendre les conventions collectives de travail, si défendre l’AVS, si exiger une formation professionnelle digne de ce nom, si revendiquer une assurance maladie sociale, si tout cela, c’est être ringard et conservateur, alors moi, je suis fier d’être un ringard et un conservateur !

Ce discours patronal n’a qu’un seul but. Il vise à accréditer l’idée que la défense des acquis est par définition mauvaise et que le mouvement syndical n’est pas une force moderne. Or, dans de multiples domaines, les syndicats ont très souvent été à l’avant-garde :

• A travers les conventions collectives, les syndicats ont joué un rôle pionnier. N’ont-ils pas été les premiers à mettre sur pied des systèmes originaux de retraite anticipée, notamment dans la construction ?

• La convention collective de l’horlogerie n’a-t-elle pas été la première à contenir des dispositions pour combattre le harcèlement sexuel et le harcèlement moral et professionnel ?

• Les syndicats ne sont-ils pas modernes lorsqu’ils demandent des congés et des programmes de formation pour faire face à des changements économiques et technologiques toujours plus rapides ?

• Aurait-on oublié que dans des domaines aussi importants que la famille, l’égalité entre hommes et femmes, l’éducation, la formation, les pays scandinaves sont les plus « modernes » du monde. Or, dans ces pays, le taux de syndicalisation s’élève à 60, 70 et même parfois à 80 % de la population active !

• Et lorsque l’Union syndicale suisse s’apprête à lancer une initiative populaire pour une retraite à la carte à partir de 62 ans pour toutes et tous, n’est-elle pas moderne, en proposant un choix de vie aux salariés ?

La même chansonnette du syndicalisme conservateur avait déjà été entonnée au moment où nous avons exigé un renforcement des mesures d’accompagnement dans la perspective de l’extension de la libre circulation des personnes aux nouveaux pays membres de l’Union européenne (UE). D’aucuns avaient alors accusé le mouvement syndical de faire « cause commune avec l’UDC », et cela dans le seul but de nous discréditer.

A la veille de deux votations capitales s’agissant des relations entre la Suisse et l’Union européenne, les faits montrent au contraire que dans cette affaire, la ligne défendue par le mouvement syndical a été la seule à avoir été cohérente de A jusqu’à Z.

Je ne m’étendrai pas ici sur la votation du 5 juin relative à la participation de la Suisse aux accords de Schengen et de Dublin. J’aimerais toutefois souligner que l’accord de Schengen présente un immense mérite, celui de mettre fin à une procédure extrêmement vexatoire en matière de visas pour les ressortissants des pays qui ne sont pas membres de l’Union européenne et qui vivent et travaillent dans notre pays. Or, dans notre pays, plusieurs centaines de milliers de salariés sont concernés par cette simplification de la procédure d’octroi des visas, notamment ceux qui viennent de Turquie et des pays de l’ex-Yougoslavie.

D’un point de vue économique et social, le scrutin du 25 septembre sur l’extension de la libre circulation des personnes sera un test capital pour la Suisse et pour ses relations avec l’Union européenne.

Le mouvement syndical est fondamentalement favorable à la libre circulation des personnes et à son extension aux nouveaux pays membres de l’Union. Parce que la libre circulation est pour nous un droit fondamental et parce que nous savons que l’immigration, durant des décennies, a créé une grande partie de la richesse économique, sociale et culturelle de ce pays.

Ce rappel prend encore plus de sens lorsqu’on le met en parallèle avec les déclarations de certains ténors de la droite nationale populiste. Au moment du dépôt du référendum contre cette extension. M. Oskar Freysinger, conseiller national UDC du Valais a déclaré, je cite : « La libre circulation des personnes, c’est la déchéance de la Suisse. » De telles déclarations, chers collègues, ne sont pas seulement xénophobes, elles sont clairement racistes ! Mais elles sont surtout une insulte monstrueuse à l’égard de plus d’un million de migrants qui vivent et travaillent dans ce pays. C’est dire que ceux qui tiennent de tels propos devraient se voir retirer la nationalité helvétique !

Dimanche dernier, les citoyennes et les citoyens genevois ont d’ailleurs donné une magnifique leçon aux xénophobes de tous poils, en décidant d’accorder le droit de vote aux étrangers sur le plan communal. Après Neuchâtel, le Jura, Vaud, Fribourg et Appenzell Rhodes extérieures, Genève devient ainsi le sixième canton qui reconnaît certains droits politiques aux immigrés. Et bien, ce mouvement doit se poursuivre, car il n’est que justice !

L’extension de la libre circulation des personnes, on le sait, va accroître les risques de dumping social et de sous enchère salariale, car les nouveaux Etats membres de l’Union ont un pouvoir d’achat nettement inférieur à celui de la Suisse et des autres pays d’Europe occidentale, tout en connaissant un chômage beaucoup plus élevé.

Ces risques ne sont pas négligeables, mais nous sommes persuadés que les nouvelles mesures d’accompagnement adoptées en décembre dernier par le Parlement fédéral ont considérablement renforcé les instruments qui permettent de combattre le dumping. D’ailleurs, il faut bien admettre que l’on n’a jamais vu un Parlement à majorité bourgeoise accepter des réformes aussi importantes en matière de droit du travail et en si peu de temps. Et ce résultat positif, chers collègues, nous le devons uniquement à la formidable pression exercée par le mouvement syndical !

Nous savons aussi qu’un rejet de l’extension de la libre circulation des personnes pourrait avoir des conséquences pénibles pour notre pays, dans la mesure où un tel refus conduirait probablement l’Union européenne à dénoncer l’ensemble des accords bilatéraux I. Une telle issue serait particulièrement dramatique pour les branches orientées vers l’exportation, et notamment pour l’horlogerie, si importante à Bienne. Pour l’industrie d’exportation, l’accès aux différents marchés européens deviendrait à nouveau plus difficile. Il pourrait en résulter une pression accrue sur les salaires et un renforcement du mouvement des délocalisations. Un rejet de l’extension de la libre circulation des personnes signifierait aussi l’enterrement des mesures d’accompagnement, puisque libre circulation des personnes et mesures d’accompagnement font l’objet d’un seul et même arrêté soumis au vote du peuple.

Une évaluation objective montre ainsi que l’extension de la libre circulation des personnes correspond aux intérêts du pays, de son économie et de ses salariés. Mais pour que le mouvement syndical entre véritablement en campagne, il faudra encore que deux conditions soient réunies dans les semaines à venir :

Primo. Tous les cantons doivent jouer le jeu des mesures d’accompagnement et mettre les moyens nécessaires à disposition des commissions tripartites. Or, si le canton de Berne se comporte de manière correcte, grâce au travail des syndicats, on ne peut pas en dire autant de la majorité des cantons alémaniques. Et si la situation peut être qualifiée de globalement satisfaisante en Suisse romande, force est d’admettre que les cantons de Fribourg et surtout du Jura sont encore à la traîne, le gouvernement jurassien et son ministre de l’Economie donnant l’impression d’être les porte-parole attitrés du patronat non conventionné.

Secundo. Il est urgent que certains dirigeants patronaux mettent fin à leurs provocations à l’égard des travailleuses et des travailleurs. Apparemment, M. Schneider-Ammann, président de Swissmem, a mis sous le coude son projet d’augmenter la durée du travail dans l’industrie des machines. En revanche, M. Thomas Messmer persiste et signe. En effet, le président de la Société suisse des entrepreneurs veut tout simplement vider de sa substance la convention collective du secteur principal de la construction, notamment en ce qui concerne les salaires et la durée du travail.

Cette attitude est d’autant plus ridicule qu’au Parlement, M. Messmer, qui est aussi conseiller national radical de Thurgovie, a parfaitement joué le jeu des mesures d’accompagnement. M. Messmer tient ainsi un double langage, et s’il ne met pas rapidement fin à cette comédie, ce sera lui, le principal responsable d’un éventuel refus de l’extension de la libre circulation des personnes !

Je lance par conséquent un appel solennel au Conseil fédéral, aux gouvernements cantonaux et aux organisations d’employeurs afin qu’avec nous, ils mettent tout en œuvre pour assurer le bon fonctionnement des commissions tripartites et des mesures d’accompagnement. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que le peuple suisse dira « OUI » à l’extension de la libre circulation des personnes le 25 septembre prochain.

Encore une fois, ce combat n’est pas un combat nationaliste et d’arrière-garde. C’est un combat éminemment internationaliste. J’en veux pour preuve que la lutte contre le dumping social, les sous enchère salariale et les délocalisations est à l’ordre du jour dans tous les pays d’Europe. Et notamment en Allemagne, où le gouvernement envisage d’étendre la force des conventions collectives pour enrayer la pression de la main-d’œuvre étrangère sur les bas salaires.

J’en veux aussi pour preuve que voici quelques semaines, à l’appel de la Confédération européenne des syndicats, 80'000 manifestants, dont une délégation du syndicat Unia, ont défilé dans les rues Bruxelles, pour défendre l’emploi et pour créer des emplois de qualité. Et bien, c’est avec ces forces-là que nous voulons construire une Suisse et une Europe sociales, solidaires et à l’avant-garde dans les domaines de l’éducation, de la formation et des technologies, c’est-à-dire une Suisse et une Europe … modernes !

Vive la lutte des travailleuses et des travailleurs pour une Suisse et une Europe sociale !

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Jean-Claude Rennwald - conseiller national
Rue de la Quère 17 - CH - 2830 Courrendlin (JU)
Privé : Tél. + Fax. / ++41 (0) 32 435 50 30
Professionnel : Tél./ ++41 (0) 31 350 23 62 - Fax / ++41 (0) 31 350 22 22
E-mail : rennwald@bluewin.ch - Internet : http://www.rennwald.ch
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