Tribune
Ouverture énergétique, frilosité européenne

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), secrétaire central Unia

Le Conseil national a fait preuve d’une ouverture d’esprit inhabituelle en approuvant, la semaine dernière, l’abandon de l’atome par étape, d’ici à 2034. Il s’est en revanche montré beaucoup plus frileux en ce qui concerne les relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE).

Historique
La décision de la Chambre du peuple en matière énergétique est historique, d’autant plus qu’elle a été prise à une confortable majorité, 101 voix (PS, Verts et PDC) contre 54 (UDC et quelques autres bourgeois) et 36 votes blancs (radicaux). Ces derniers risquent de payer cher ce non choix, car en se réfugiant dans l’abstention, ils se sont mis à dos aussi bien leurs électeurs pro-nucléaires que ceux qui ont une fibre écologiste. La décision du Conseil national doit encore être confirmée par le Conseil des Etats, en septembre, mais en raison du rapport de force qui s’est créé à la Chambre du peuple, on l’imagine mal revenir en arrière.

Aucune autorisation nouvelle
Concrètement, le Conseil national a adopté une motion du démocrate-chrétien haut-valaisan Roberto Schmid (rédigée avec la collaboration de socialistes), laquelle demande qu’aucune autorisation ne soit plus accordée pour la construction de nouvelles centrales. Les usines qui ne sont plus conformes aux normes de sécurité devront être arrêtées. La Chambre basse a en revanche rejeté une motion socialiste qui exigeait un abandon anticipé de l’atome. Les centrales nucléaires de Beznau I et II auraient dû être fermées immédiatement.

Contradictions
Historique, le débat du Conseil national n’a pas été exempt de contradictions. Les décisions prises dans le domaine de l’efficacité énergétique sont insuffisantes et risquent de ne pas permettre d’atteindre les objectifs fixés pour une sortie coordonnée du nucléaire. En rejetant l’introduction d’une taxe sur l’électricité pour pousser les usagers à faire des économies de courant ainsi qu’une autre sur le kilowattheure de courant nucléaire au profit de la formation et de la recherche sur les énergies renouvelables, le Conseil national ne s’est pas donné les moyens de sa politique. Sans incitations fortes, il sera difficile d’endiguer le gaspillage énergétique. Tout aussi incongrue paraît l’adoption d’une motion UDC demandant de supprimer le droit de recours des associations dans le domaine énergétique.

Navigation à vue
Le Conseil national a eu une attitude moins ouverte sur la question européenne. Il a chargé le Conseil fédéral de mettre fin aux négociations sur le libre-échange agricole, comme si cette attitude protectionniste incitera l’Union européenne à faire des concessions dans d’autres domaines ! Le Conseil national a aussi rejeté une motion UDC demandant le retrait de la demande d’adhésion à l’UE déposée par la Suisse en 1992 et gelée depuis lors. On ne peut que s’en féliciter, même si Micheline Calmy-Rey a usé d’un argument particulier. A son avis, il n’y a aujourd’hui aucune demande d’adhésion suisse auprès de l’Union européenne, car en 1992, cette demande avait été adressée aux … Communautés européennes. On se demande aussi comment le gouvernement va manœuvrer pour conclure de nouveaux accords bilatéraux tout en refusant, comme l’exige Bruxelles, que l’on règle préalablement les questions institutionnelles. Tout cela donne l’impression d’une navigation à vue alors que presque plus personne n’ose prononcer le mot « adhésion ».

Halte au dumping
Ministre de l’économie, Johann Schneider-Amman n’a lui aussi été que semi-convaincant en annonçant que ses services « étudient » le renforcement des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes. Or, il y a urgence. Les mesures d’accompagnement sont appliquées de façon inégale selon les cantons, le nombre de faux indépendants se multiplie, les contrôles ne sont pas assez nombreux et les sanctions pas assez sévères, tout cela favorisant le dumping social et la sous-enchère salariale. Or, tant que l’on n’aura pas résolu tous ces problèmes, une partie du monde du travail continuera de céder aux sirènes de la droite nationale-populiste. Laquelle veut en revenir au système discriminatoire des contingents. Ce qui est assez logique de sa part, puisque l’abandon du régime des contingents avait permis la suppression de l’innommable statut du saisonnier !