Conférence de presse du comité jurassien 3 X NON le 1er juin 2008
Des valeurs fondamentales à défendre

Par Jean-Claude Rennwald, politologue et conseiller national (PS/JU) 

La votation fédérale du 1er juin prochain a ceci de particulier qu’il ne s’agira pas seulement de se prononcer sur trois objets, mais aussi de s’exprimer sur des valeurs fondamentales, puisque c’est un triple « paquet UDC » qui est soumis à l’appréciation du peuple et des cantons : naturalisations pseudo-démocratiques ; démontage de l’assurance maladie de base ; initiative « bouche cousue ». C’est la raison pour laquelle un comité en faveur d’un triple NON s’est constitué dans le canton du Jura, comité très large, qui va du PDC au POP, en passant par le PCSI, le PSJ, les Verts et Combat socialiste, auxquels il faut ajouter un certain nombre d’autres forces sociales, syndicales et associatives, à savoir : l’USJ, les fédérations membres de l’USJ, syna, l’AVIVO ou encore ATTAC Jura.

Naturalisations : les droits fondamentaux à la corbeille ?

« Le corps électoral de chaque commune arrête dans le règlement communal l’organe qui accorde le droit de cité communal. Les décisions de cet organe sur l’octroi du droit de cité communal sont définitives. » Tel est l’article que l’UDC voudrait ancrer dans la Constitution fédérale, au moyen de son initiative dite « Pour des naturalisations démocratiques ». En réalité, l’initiative de l’UDC méprise les droits individuels des candidats à la naturalisation, surtout lorsqu’ils portent des noms à consonance balkanique, africaine ou asiatique. Au tournant des années 2000, des immigrés établis de longue date en Suisse se sont vus refuser le droit à la naturalisation par une instance politique (assemblée communale, législatif, exécutif) de leur commune. Une telle procédure, que l’UDC voudrait inscrire dans la Constitution, ne peut pas être qualifiée de démocratique. Car la démocratie ne repose pas seulement sur la souveraineté populaire, mais aussi sur la garantie des droits individuels et l’Etat de droit. Or, l’initiative de l’UDC ne garantit pas le respect des droits individuels, puisqu’elle fait passer en votation des décisions particulières, ne motive pas ces décisions et ne prévoit pas de voies de recours. Elle ne respecte pas non plus l’Etat de droit, puisqu’elle ne permet pas de protéger les candidats à la naturalisation contre l’arbitraire. Pour faire une comparaison légèrement osée, il est normal que le peuple puisse donner son avis, sur le plan fédéral ou sur le plan cantonal, à propos d’une révision de la loi sur la chasse, sur la pêche ou sur la circulation routière. En revanche, on n’imagine mal le même peuple se prononcer sur l’octroi d’un permis de chasse, d’un permis de pêche ou d’un permis de conduire à tel ou tel citoyen. Mais c’est exactement cela que veut l’UDC à propos des naturalisations.

Assurance maladie : une menace pour 80 % de la population !

Le contreprojet intitulé « Qualité économique et efficacité dans l’assurance-maladie » que la majorité bourgeoise du Parlement a décidé d’opposer à l’initiative de l’UDC dite « Pour la baisse des primes d’assurance-maladie » a pour objectif central d’anéantir la solidarité de l’assurance sociale et de doper le secteur des assurances complémentaires privées aux dépens de toutes celles et de tous ceux qui ne peuvent se le permettre. Ce contreprojet ne va certes pas aussi loin que l’initiative de l’UDC, mais comme l’UDC n’a guère eu de peine à retirer son texte, on en déduira que ses revendications ont été satisfaites pour l’essentiel ! C’est dire que les radicaux ont joué un jeu malsain en soutenant ce contreprojet, puisqu’ils ont du même coup appuyé la plus mauvaise des politiques possible dans le domaine de la santé et de l’assurance maladie, celle qui nie l’idée même de solidarité.

Si cet article constitutionnel devait passer le cap du peuple et des cantons, ce serait une véritable catastrophe pour 80 % de la population suisse, puisque l’on mettrait fin à la possibilité pour les citoyens de choisir leur médecin, et que l’on attribuerait les pleins pouvoirs au marché, c’est-à-dire aux assurances et aux cliniques privées ! 

Le pouvoir au parti de l’argent ?

Quant à l’initiative – émanant encore de l’UDC ! – dite « Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale », elle vise surtout à interdire les activités d’information de la part du Conseil fédéral et de l’administration en période de votation. On le sait, nous ne partageons pas toujours le même avis que le Conseil fédéral avant un scrutin populaire. Mais de là à lui clouer le bec, il y a un pas que seuls les adeptes d’un système où il n’y a rien entre le « guide suprême » et le peuple pourront franchir. Cette initiative est l’expression d’un élément fondamental de la pensée blochérienne, qui vise à supprimer toute médiation, politique, syndicale, économique, entre le leader de l’UDC et la base citoyenne. Et une fois le Conseil fédéral éliminé des campagnes par le biais d’une nouvelle disposition constitutionnelle, Christoph reléguera les autres forces à l’arrière-plan en investissant des millions dans la propagande publicitaire.

Du point de vue des intérêts de la grande majorité de la population, cette initiative, parmi les trois objets de la votation du 1er juin, n’est pas celle qui aurait le plus d’effets concrets si elle était approuvée. Mais son acceptation serait à coup sûr synonyme d’un changement essentiel des règles du jeu, en ce sens que le Conseil fédéral, l’un des acteurs majeurs de la scène politique, ne pourrait plus exprimer son avis, tandis que le « parti de l’argent » continuerait de s’en donner à cœur joie.

Pour toutes ces raisons, nous invitons les citoyennes et les citoyens jurassiens à glisser un triple NON  dans les urnes à l’occasion de la votation fédérale du 1er juin prochain.