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Conférence de presse du 24 août 2000

Développement économique et conventions collectives de travail : le gouvernement jurassien pratique la lutte des classes par le haut

Intervention de Jean-Claude Rennwald, membre du comité directeur du syndicat FTMH, vice-président de l’Union syndicale suisse (USS), conseiller national (PS/JU)

En plus des faits et des arguments qui ont été avancés par d’autres intervenants, il m’apparaît que la décision du gouvernement jurassien d’appeler au rejet de la loi sur le développement économique (c’est-à-dire de donner le même mot d’ordre que les auteurs du référendum) est grave pour six raisons au moins :

  1. Elle vise à diminuer la portée d’un débat socio-économique essentiel, non seulement pour les Jurassiennes et les Jurassiens, mais aussi pour l’ensemble des citoyennes et des citoyens de notre pays. En effet, la discussion sur les relations entre le développement économique et les conditions sociales dans lesquelles il se déroule n’a pas encore été véritablement lancée dans la grande majorité des cantons. Cette affaire a donc une dimension nationale, raison pour laquelle elle intéresse au plus haut point les syndicats de toute la Suisse.

  2. La décision du gouvernement jurassien lèse bien sûr les travailleuses et les travailleurs, ainsi que les organisations de la gauche syndicale et politique. Mais elle revient aussi à mépriser les employeurs – et il y en a heureusement un certain nombre ! – qui jouent correctement le jeu du partenariat social et des conventions collectives de travail (CCT). Si l’exécutif cantonal voulait s’attaquer à la paix sociale, il ne s’y prendrait pas autrement. En d’autres termes, le gouvernement jurassien pratique la lutte des classes par le haut.

  3. Par l’attitude qu’il a adoptée dans toute cette affaire, le gouvernement jurassien a raté une occasion inespérée de donner un coup de pouce au développement des CCT dans le Canton du Jura et en Suisse. C’est d’autant plus regrettable que chaque fois que les forces progressistes de ce pays proposent des réformes portant par exemple sur la réduction de la durée du travail ou sur les salaires, le pouvoir politique ne cesse de leur expliquer que tout cela doit être réglé dans le cadre des conventions collectives ! On en déduira que l’exécutif cantonal, comme bien d’autres autorités, pratique un double langage. Cette stratégie, si l’on peut dire, ne poursuit qu’un seul objectif : freiner tout progrès social.

  4. On dit souvent que la Suisse est le pays champion des conventions collectives de travail. Or, rien n’est plus faux. Selon une statistique établie par l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, 50 % seulement des travailleuses et des travailleurs du secteur privé sont au bénéfice d’une CCT dans notre pays. Mais cette proportion atteint 81 % aux Pays-Bas, 89 % en Suède, 90 % en Belgique, 92 % en Allemagne, 95 % en Finlande et en France ou encore 98 % en Autriche OCDE, (Perspectives de l’emploi, 1997, p. 78).. De par son comportement, le gouvernement jurassien ne va manifestement pas contribuer à rapprocher la Suisse du peloton de tête dans le domaine des conventions collectives de travail !

  5. Certes, l’immense majorité des lois cantonales relatives au développement économique ne contiennent aucune disposition sur les CCT. Mais il n’est pas interdit d’innover. Ce refus d’être créatif sur le plan social est d’autant plus étonnant que le Canton de Berne, lui, n’a pas hésité à franchir le pas. En effet, la loi bernoise sur le développement de l’économie du 12 mars 1997 précise ce qui suit à son article 13, 1er alinéa : « L’octroi de subventions (aux entreprises) est assorti, pour une période de cinq ans au plus, notamment des conditions et charges suivantes : a) respecter les conventions collectives de travail ou les conditions de travail locales en usage dans la branche ». A ma connaissance, cette disposition n’a pas porté préjudice aux efforts de la Promotion économique bernoise, dont l’action a favorisé la création d’un nombre important de nouvelles entreprises et d’emplois. Je fais partie de ceux qui s’étaient battus pour créer non seulement un nouveau canton, mais aussi un canton nouveau. Aujourd’hui, force est d’admettre que l’esprit d’innovation n’est pas forcément là où on l’attendait le plus !

  6. Enfin, l’attitude du gouvernement jurassien nourrit quelque inquiétude dans les rangs syndicaux à propos de la mise en œuvre des mesures d’accompagnement social relatives à la libre circulation des personnes, l’un des sept volets des accords bilatéraux adoptés par le peuple le 21 mai dernier. En effet, l’application de ces mesures laisse une marge de manœuvre relativement importante aux cantons. Du fait de l’arrogance que l’exécutif jurassien manifeste dans le débat concernant la loi sur le développement économique, on doit malheureusement en déduire qu’il ne fera pas preuve d’un zèle excessif dans la lutte contre le dumping social et salarial que pourrait entraîner la libre circulation des personnes. En l’espèce, j’avertis très clairement le gouvernement : Le mouvement syndical, dans sa grande majorité, a joué le jeu des accords bilatéraux. Mais il n’acceptera pas que ce canton devienne le paradis helvétique du patronat non conventionné !

Au-delà des considérations syndicales et politiques évoquées ci-dessus, l’attitude de l’exécutif cantonal m’attriste en tant que citoyen jurassien. Dans son célèbre poème « La Venoge », véritable ode à la terre vaudoise, le grand chansonnier Jean Villard-Gilles lance à un moment donné ce cri du cœur : « Nous avons un bien joli canton. » Pour ma part, j’aurais plutôt tendance à dire : « Nous avons un bien petit gouvernement. »

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Jean-Claude Rennwald - conseiller national
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