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OPINION
Un seul choix s’impose : un Conseil fédéral avec l’UDC ou avec le PS
(Article paru dans Le Temps du 29 octobre 2003)

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU)

Christoph Blocher entrera-t-il ou non au Conseil fédéral le 10 décembre prochain ? Cette question n’est pas dénuée d’intérêt. Mais la façon dont elle est traitée par la majorité des médias – personnalisation à outrance – ne permet pas de cerner les enjeux politiques fondamentaux du moment.

 La droite « modérée » collabore avec la gauche …

 Aujourd’hui, la Suisse est à un tournant :

· Depuis 1959, année de naissance de la formule « magique » (un Conseil fédéral avec deux radicaux, deux PDC, deux PS et 1 UDC), jusqu’au milieu des années septante, la participation socialiste au gouvernement a favorisé une politique de redistribution des richesses et de progression des revenus des catégories les plus faibles. Les assurances sociales connaissent un intense développement. Durant cette période, qui correspond à la deuxième partie des Trente Glorieuses (1945-1975), le consensus n’a pas uniquement servi la classe dominante, il a aussi profité aux dominés.

· Une première brèche s’ouvre avec la crise de 1974-76. Pour la gauche, la recherche de compromis acceptables devient difficile. Mais ceux-ci ne sont pas impossibles, puisque c’est de cette époque que datent l’assurance chômage obligatoire et l’arrêté Bonny, mécanisme de soutien aux régions défavorisées.

 … puis se met à la remorque de l’UDC

 Depuis une douzaine d’années, la donne a fondamentalement changé :

· Conseiller économique du syndicat FTMH, Jean-Pierre Ghelfi note que la progression de l’UDC est allée de pair avec la stagnation de l’économie suisse depuis 1991. L’UDC a surfé sur les difficultés sociales (chômage, blocage des salaires, accroissement des cadences) due à l’absence de croissance pour aviver les sentiments xénophobes. De la part d’un parti national-populiste qui vient d’être félicité par Jean-Marie Le Pen, cette stratégie est d’une logique implacable.

· La droite « modérée » n’a rien fait ou presque pour contrer cette politique. Paralysée par la déferlante UDC, radicaux et démocrates-chrétiens ont contribué au durcissement de la loi sur l’asile et de la législation sur les étrangers, ainsi qu’à la mise au placard du projet d’adhésion à l’Union européenne.

· Avec l’UDC, les radicaux et le PDC ont rejeté toutes les propositions socialistes et syndicales pour relancer l’économie, tout en réalisant une bonne partie du « Livre Blanc » publié en 1995 par quelques néolibéraux qui prônaient un démantèlement des assurances sociales et une libéralisation à outrance des services publics.

· C’est ensemble que les radicaux, le PDC et l’UDC ont démantelé l’AVS, réduit les prestations offertes aux chômeurs, refusé la construction d’une assurance maladie sociale, affaibli les services publics et le rôle de régulateur de l’Etat, combattu la diminution du temps de travail, l’augmentation du droit aux vacances et l’imposition des gains en capital, tout en réduisant fortement les impôts de ceux qui gagnent plus de 150'000 francs par année !

Si l’on excepte quelques thèmes d’ouverture, comme l’ONU et l’aide au développement, démocrates-chrétiens et radicaux ont mené une politique très proche de celle de l’UDC. Le virage droitier du PDC est le plus inquiétant, car depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, en Suisse comme dans beaucoup de pays d’Europe occidentale, c’est le compromis passé entre la gauche et la démocratie-chrétienne qui avait permis de bâtir un modèle social relativement ambitieux.

 Une seule alternative

 Avec l’élection d’un deuxième représentant de l’UDC – Christoph Blocher ou un autre – cette politique assassine va encore s’amplifier. S’il se comporte comme si rien n’avait changé, le Parti socialiste se retrouvera dans une position intenable et perdra sa crédibilité. C’est dire que le PS n’a qu’une seule alternative :

· Ou bien il convainc les radicaux et le PDC qu’il faut éjecter l’UDC du Conseil fédéral et qu’il est nécessaire de se mettre d’accord – avec les Verts aussi - sur un programme minimal (développement économique, AVS, services publics, Europe, environnement) pour sortir le pays du marasme.

· Ou bien il entre dans l’opposition et construit, avec les Verts, toute la gauche, les syndicats et les mouvements sociaux, une politique de rechange à celle de la bourgeoisie.

 Un PS qui n’a plus rien à dire ?

 Je suis conscient que ce discours n’est pas (encore) majoritaire au sein du PS, mais les tenants d’une participation socialiste à n’importe quel prix feraient bien de réfléchir aux éléments suivants :

· Si l’on en reste au statu quo, l’UDC gagnera entre 5 et 10 % de voix supplémentaires dans quatre ans, car Christoph Blocher jouera encore davantage la carte du refus de toute réforme et de toute ouverture.

· Le PS verrait encore sa marge de manœuvre réduite – elle n’est déjà pas très grande ! – et devrait assumer, plus qu’aujourd’hui, des choix qui ne sont pas les siens. Pareille évolution entamerait son crédit parmi les travailleuses et les travailleurs. A l’inverse, si l’UDC jouait un rôle central au Conseil fédéral, elle ne pourrait pas mettre en œuvre son programme contradictoire, qui promet moins d’impôts et moins d’Etat aux riches, et plus de protection aux victimes de la mondialisation, comme les paysans et les ouvriers des industries en déclin.

· Un passage à l’opposition n’est pas évident, car il entraînerait une diminution du poids du PS dans l’appareil d’Etat tout en obligeant les socialistes à accroître leur capacité de mobilisation (manifestations, récoltes de signatures pour des référendums et des initiatives). Mais une cure d’opposition est souvent payante si elle est mise à profit pour (re)construire un vrai projet politique. En France, avant le congrès d’Epinay de 1971, la gauche non communiste était au bord du gouffre. Dix ans plus tard, François Mitterrand devenait président de la République. Plus modestement, les socialistes jurassiens, en 1993, n’étaient plus représentés ni à l’exécutif cantonal, ni à Berne. Dix ans après, ils occupent deux des cinq sièges du gouvernement et la moitié des fauteuils de la députation du Canton du Jura au Parlement fédéral.

· Enfin, un passage à l’opposition est peut-être le prix à payer pour éviter que l’UDC ne cède à la tentation de passer du statut de parti national-populiste à celui d’une formation plus autoritaire. Car comme le souligne Bertolt Brecht : « Le monde est encore fécond, d’où est sortie la bête immonde. »

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Jean-Claude Rennwald - conseiller national
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