Opinion
/ Paru dans le quotidien Le Temps du 18 avril 2001
Le
Parti socialiste doit rester le parti de l’adhésion à l’Union
Par
Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), vice-président de
l’USS
A
en croire certains observateurs, les socialistes seraient devenus
eurosceptiques. Bien sûr, pour le pro-européens, le rejet massif de
l’initiative « Oui à l’Europe », le 4 mars 2001, a pris
l’allure d’une descente aux enfers. Mais à y regarder de près,
l’échec était programmé. Lorsque le Conseil fédéral, la majorité
des partis gouvernementaux et le patronat s’associent pour combattre
un projet, celui-ci a de fortes chances de couler en votation.
Le
PS, parti de l’Europe
Une
analyse fine montre que le PS reste le parti de l’Europe, et que là où
il est bien implanté, il a généralement réussi à convaincre, comme
les autres forces de gauche et les syndicats : En effet :
-
Les
huit cantons où l’initiative a réalisé un score supérieur à
la moyenne nationale sont huit cantons où la gauche est plus forte
que sur le plan suisse.
-
Dans
la majorité de ces huit cantons, le taux de syndicalisation est supérieur
à la moyenne nationale, en particulier dans le Jura et à Neuchâtel,
les deux cantons qui connaissent le plus fort taux de
syndicalisation et où l’initiative « Oui à l’Europe »
a enregistré son moins mauvais score.
-
Ces
constats permettent de comprendre pourquoi le patronat et les
banquiers ont combattu l’initiative « Oui à l’Euope ».
Ces milieux se contentent des accords bilatéraux, purement économiques,
et feront tout pour empêcher l’intégration de la Suisse dans une
Europe politique et sociale.
Un
peu de dignité !
Aujourd’hui,
la lutte pour l’adhésion à l’Union européenne (UE) passe par
l’exploration des quelques pistes que voici :
-
Le
PS doit favoriser la ratification des accords bilatéraux et
collaborer avec les syndicats et les organisations écologiques pour
que les mesures d’accompagnement (social et transports) soient
mises en œuvre de manière cohérente.
-
Le
PS doit garder son profil de « parti de l’adhésion ».
Saut pour les revendications de l’UE qui s’inscrivent dans un
objectif de justice (lutte contre l’évasion fiscale et la
contrebande), le PS ne doit pas entrer en matière sur de nouveaux
projets d’accords bilatéraux. Seule exception, les «left-overs »,
ou reliquats, c’est-à-dire les questions qui n’ont pas pu être
traitées lors des dernières négociations. En revanche chaque fois
qu’un projet de nouvel accord bilatéral sera sur la table, le PS
devrait demander son renvoi et son traitement dans le cadre du
processus d’adhésion. Nous avons avalé la pilule une première
fois avec les accords bilatéraux du 20 mai 2000, il est hors de
question de l’avaler une deuxième fois ! De plus, la
pratique systématique d’accords sectoriels est indigne, car nous
n’avons rien à dire sur l’évolution du contenu de ces accords !
-
La
remarque vaut pour les conventions de Schengen (l’Europe de la sécurité)
et de Dublin (l’Europe de l’asile). Entrer séparément en matière
sur ces questions serait erroné, car après avoir servi l’économie,
nous servirions les « sécuritaires ». Au bout du
compte, qui restera-t-il encore pour approuver l’adhésion ?
-
Le
PS doit exiger les réformes intérieures qu’implique l’adhésion :
fédéralisme, droits populaires, fiscalité, législation sociale.
Pas
d’angélisme
-
Toute
avancée du dossier européen ne pourra voir le jour que si le PS,
les syndicats et les forces progressistes parviennent à créer un
rapport de forces qui contraindra le patronat et la droite à
accepter l’objectif de l’adhésion, dans la même logique que
l’équation du 20 mai 2000 : Oui = Accords bilatéraux +
mesures d’accompagnement.
-
Le
PS doit adopter une attitude moins angélique à l’égard de
l’UE, en particulier sur les politiques qui renforcent la déréglementation
et le démantèlement des services publics. Trois socialistes français,
dont Marie-Noêlle Lienemann, vice-présidente du Parlement européen,
écrivaient récemment dans « Le Monde » : «L’’Union
européenne s’apparente chaque jour davantage à une vaste zone de
libre-échange. Loin de renforcer les acquis de notre modèle
social, elle est devenue un vecteur de la dérégulation néo-libérale..»
Et ces trois socialistes d’ajouter que la question sociale doit
redevenir le moteur de la construction européenne : « Ceci
constitue la condition sine qua non pour réconcilier les peuples
européens avec la construction européenne. Europe sociale et
Europe politique sont indissociablement liées : une véritable
Constitution politique et sociale, associant l’ensemble des
peuples européens à travers un véritable processus
constitutionnel, devrait être l’une des priorités du PSE. »
Ce point de vue est aussi le nôtre. Il doit nous inciter à
travailler davantage avec les socialistes d’Europe, alors que les
syndicats suisses doivent être plus présents dans les luttes
sociales européennes.
Ce
processus sera long, mais certains facteurs pourraient réactiver, plus
rapidement que prévu, la démarche d’adhésion à l’UE :
-
L’évolution
des réformes relatives au fonctionnement de l’UE.
-
L’impact
psychologique de l’euro sur les Suisses.
-
Le
fait que très vite, les accords bilatéraux ne permettront plus aux
milieux économiques de faire face à de nouveaux problèmes, comme
la création d’un brevet communautaire; l’instauration d’un
ciel unique européen ou l’harmonisation des marchés des valeurs
mobilières.
La
bataille européenne doit enfin s’insérer dans un combat général
pour l’ouverture. Car tous ces thèmes (ONU, immigration,
naturalisations) se tiennent, comme le montre l’exemple de Delémont,
seul chef-lieu cantonal à avoir accepté l’initiative « Oui à
l’Europe », mais aussi seul chef-lieu cantonal où quatre étrangers
siègent au législatif communal.
Jean-Claude
Rennwald
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