Tribune
La Saint-Barthélémy des chômeurs
Par
Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS-JU), vice-président de l’USS
Chaque jour, il y a environ 270
chômeurs supplémentaires dans notre pays, et il y a aujourd’hui près de
160'000 chômeurs en Suisse, soit 4.2 % de la population active. Dans
certaines villes, notamment de l’Arc jurassien, le taux de chômage est
déjà de 10 % et l’an prochain, nous franchirons la barre des 200'000
sans emploi.
Grave
crise sociale
Malgré un semblant de reprise économique, nous allons au-devant d’une
crise sociale très grave. C’est pourtant ce moment que la droite et le
patronat ont choisi pour faire passer l’une des lois les plus scélérates
de notre histoire contemporaine. La révision de la loi sur
l’assurance-chômage (LACI) approuvée la semaine dernière par toute la
droite du Conseil national repose sur l’idée que les chômeurs sont
responsables de leur situation, voire de tous les maux de l’humanité. Et
cela alors que le chômage est un phénomène social découlant de la chape
de plomb que l’oligarchie financière a placée sur l’ensemble de
l’économie.
Pénalisation de la jeunesse
Cette loi, véritable Saint-Barthélémy des chômeurs, se traduira par une
dévalorisation de la formation professionnelle avec l’affaiblissement de
la notion de travail convenable, par une diminution draconienne du
nombre d’indemnités pour les jeunes alors que le chômage des jeunes
explose. Le nombre d’indemnités journalières passerait de 400 à 130 pour
les moins de 25 ans et de 400 à 260 pour les travailleurs qui ont entre
25 et 29 ans.
On
se trouve en face d’une pénalisation de la jeunesse avec à la clef 800
millions d’économies sur le dos des chômeurs. La conséquence, ce sera
une baisse du pouvoir d’achat des plus faibles et une augmentation
massive des chômeurs en fin de droits et une hausse substantielle du
nombre de cas relevant de l’aide sociale, et donc un report massif des
charges (250 millions) sur les cantons et les communes.
Avant de recevoir les premières indemnités, il faut aujourd’hui attendre
cinq jours. Avec la révision, on ajoute 10, 15 ou 20 jours selon le
salaire.
Régions
à l’abandon
La
majorité bourgeoise du Conseil national a décidé d’abandonner la clause
qui permet actuellement à certaines régions et cantons particulièrement
touchés par le chômage (5 % et plus durant six mois) d’étendre la durée
d’indemnisation de 400 à 520 jours, moyennant une participation de 20 %
aux coûts. Ce dispositif, utilisé en ce moment par les cantons du Jura,
de Neuchâtel et de Vaud, permet pourtant de donner un bol d’oxygène aux
régions les plus frappées par la crise.
Les prestations ayant été tellement
rabotées, la droite a pu se contenter d’une hausse modeste des
cotisations, qui passe de 2 à 2,2 %, alors que la gauche proposait
différentes variantes à 2,3 ou à 2,4 %. Le pourcent de solidarité a
aussi été adopté. Mais on reviendra « à la normale » dès que le fonds de
l’assurance sera positif de 500 millions, alors qu’aujourd’hui, la dette
de l’assurance-chômage se monte à 5 milliards de francs.
La
droite comme un seul homme
Ce dossier sera repris en mars par le Conseil des Etats, mais il est
d’ores et déjà certain que le mouvement syndical et la gauche, appuyés
peut-être par les cantons (qui craignent l’arrivée plus rapide des fins
de droits vers l’aide sociale) lanceront le référendum.
La droite du Conseil national a
voté cette révision antisociale de la LACI comme un seul homme. Dans
l’Arc jurassien, elle a en particulier été approuvée par les UDC
Dominique Baettig (Jura), Jean-Pierre Graber (Jura bernois) et Yvan
Perrin (Neuchâtel), ainsi que par les libéraux-radicaux Sylvie
Perrinjaquet et Laurent Favre (Neuchâtel). L’écologiste Francine
John-Calame s’y est en revanche opposée, de même que tous les socialiste
de la région : Jacques-André Maire (Neuchâtel), Hans Stöckli et Riccardo
Lumengo (Bienne), et Jean-Claude Rennwald (Jura).
Attaque
globale contre l’Etat social
Cette
révision s’inscrit dans une stratégie globale de la droite politique et
économique en vue de détruire l’Etat social et de démanteler l’ensemble
de nos assurances sociales, comme en témoignent la réduction des rentes
du 2e pilier, l’élévation de l’âge de la retraite des femmes et
l’affaiblissement des mécanismes d’indexation des rentes AVS, la
réduction des prestations de l’AI, la volonté de privatiser la CNA ou
encore le gâchis de l’assurance-maladie. Autant de coup bas qui
obligeront les forces progressistes du pays à entrer en résistance de
façon permanente. |