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Réception de la Municipalité de Courrendlin,
21 novembre 2003

Les hommes ne sont pas responsables de leurs échecs, mais ils sont responsables des batailles qu’ils n’ont pas menées

Allocution de Jean-Claude Rennwald, conseiller national

Monsieur le maire,

Madame et Messieurs les membres du Conseil municipal,

Chers amis,

Chers collègues,

Chers camarades,

Olof Palme, l’ancien Premier ministre socialiste suédois, a dit un jour q’une campagne électorale était « une aventure vertigineuse, pleine de menaces et de tumulte, profondément sérieuse eu égard aux énormes enjeux ». J’ai ressorti cette citation non seulement parce que j’ai toujours éprouvé une grande admiration pour Olof Palme, mais aussi parce qu’elle contient les mots « menace » et « sérieux ».

En effet, depuis la rentrée des vacances d’été, le Parti socialiste jurassien et ses alliés ont dû affronter une menace permanente, à savoir la stratégie d’intoxication qui consistait à nous faire croire que la partie était jouée d’avance. Or, en politique comme dans bien d’autres domaines de la vie, rien n’est jamais joué d’avance, rien n’est jamais acquis une fois pour toutes ! Les résultats du 19 octobre dernier montrent que nous ne sommes pas tombés dans ce piège, car comme d’habitude, nous avons travaillé sérieusement, et peut-être même plus sérieusement encore que d’habitude.

Ce choix stratégique est incontestablement l’une des raisons majeures de la réélection des deux socialistes jurassiens aux Chambres fédérales. Mais ce succès, nous le devons aussi au fait que c’est une équipe unie qui a mené la bataille du 19 octobre.

C’est pourquoi j’aimerais tout d’abord associer à la réélection de Pierre-Alain Gentil et de moi-même nos colistières, Lucienne Merguin-Rossé et Marlyse Fleury.

Je voudrais aussi saluer les deux candidats de la Jeunesse socialiste et progressiste, Céline Monico et Sébastien Lapaire, et ceci d’autant plus que la JSPJ a réalisé le meilleur score des listes jeunes qui étaient dans la course le 19 octobre.

Un merci tout particulier s’adresse au comité directeur du PSJ. Sans vouloir faire de discriminations, j’aimerais plus spécialement souligner l’engagement de trois de nos camarades, à savoir Nathalie Barthoulot, la présidente du PSJ, Jean-Yves Gentil, notre secrétaire général, qui a été le pivot de toute cette campagne, et enfin Liliane Lachat, notre secrétaire administrative, pour son efficacité, même si son travail s’effectue souvent dans l’ombre.

J’entends aussi associer à cet événement l’ensemble des militantes et des militants du PSJ, et notamment ceux de la section de Courrendlin. Le succès du 19 octobre, chers amis, c’est d’abord le vôtre et celui de votre engagement !

Mais ce succès n’est pas seulement celui du Parti socialiste. Il est aussi celui de l’ensemble des formations de la gauche jurassienne, puisque aussi bien le Parti ouvrier et populaire que Combat socialiste et le Mouvement écologiste ont clairement apporté leur soutien aux candidats socialistes, de même que – je n’ai pas trouvé de meilleure expression – la gauche libertaire et artistique emmenée par Gérard Tolck.

Par rapport aux divisions malheureuses qui sont survenues dans d’autres cantons – je pense surtout à Genève – je suis très fier de cette unité. La gauche jurassienne est plurielle et unie, et j’invite mes amis du PSJ à ne pas oublier que cette unité ne doit pas seulement se construire avant les élections, mais tous les jours, sur le terrain des luttes et des mobilisations. Le référendum en cours contre la 11e révision de l’AVS est une excellente occasion de mettre cette unité en œuvre. Si ce n’est pas encore fait, vous pouvez d’ailleurs signer le référendum à gauche en entrant dans cette salle.

La réélection des deux candidats socialistes a aussi été possible en raison de l’appui du mouvement syndical. Je tiens donc à remercier aussi très chaleureusement l’Union syndicale jurassienne, ses fédérations et plus particulièrement la FTMH, qui nous ont apporté un appui tout à fait décisif.

Pour ce qui me concerne plus spécialement, je voudrais remercier nommément quatre militantes et militants de la FTMH qui n’ont pas craint d’afficher publiquement leurs convictions, à savoir Viviane Keller-Cuenat, Jean-Marc Rouvinez, Bernard Gigandet et Michel Schlüchter. Sachez, chers collègues, que j’ai beaucoup apprécié votre engagement, car au-delà des liens qui nous unissent tout au long de l’année dans le cadre du travail syndical horloger, vous avez aussi exprimé la nécessité d’une présence syndicale aussi forte que possible sous la Coupole fédérale. Et ce n’est sans doute pas un hasard si dans beaucoup de cantons, la plupart des syndicalistes qui étaient candidats ont réalisé de très bons scores.

Je tiens encore à dire merci à tous ces amis qui, d’une manière ou d’autre autre, et sans forcément être membre du PSJ ou d’un autre parti de gauche, m’ont apporté leur soutien durant cette campagne, que se soit sur le plan local comme sur le plan cantonal. J’adresse aussi un merci tout particulier à mon épouse Chantal ainsi qu’à mes filles Maude et Line, pour leur appui moral, mais aussi pour leur soutien logistique, pour leurs idées et surtout pour leurs conseils.

Enfin, puisque j’en suis à ce chapitre, je voudrais encore remercier la Municipalité de Courrendlin pour la réception qu’elle a mis sur pied ce soir, la bourgeoisie de Courrendlin, qui n’a pas failli à la tradition du mai, et bien sûr la Fanfare municipale pour son aubade.

Le résultat des élections fédérales est tombé voici cinq semaines déjà. Si nous sommes là ce soir pour nous réjouir, cela ne m’empêche pas d’avoir quelques grosses inquiétudes quant à l’avenir de ce pays. En raison de la polarisation de la vie politique, suite à la montée de l’UDC, la Suisse sera plus difficile à gouverner, car il sera très difficile de trouver des solutions avec la droite extrême.

Dans le domaine de la politique régionale, je sais que comme ces huit dernières années, je pourrai compter sur l’appui de mon collègue chaux-de-fonnier Didier Berberat, ici présent ce soir. Durant les deux dernières législatures, nous nous sommes fortement investis dans la défense et le développement de tous les instruments de la politique régionale, témoignant ainsi de la possibilité de mettre en œuvre une politique en faveur non pas d’un canton mais une politique au service de l’ensemble des cantons et des régions de l’Arc jurassien, lesquels ont tout intérêt, par les temps qui courent, à présenter un front aussi uni que possible face aux appétits des grands centres et plus particulièrement de l’agglomération zurichoise et surtout face aux vagues néolibérales de privatisation. Cela vaut bien sûr pour la Transjurane et pour sa réalisation rapide, notamment sur le territoire de Courrendlin. Mais cela vaut aussi pour la ligne ferroviaire du pied du Jura, pour la remise en service de la ligne Delle-Belfort, pour le développement des CJ, pour le maintien et si possible le renforcement de l’arrêté Bonny ou encore pour une répartition plus équitable des emplois de la fonction publique fédérale sur l’ensemble du territoire.

Sur ces questions comme sur beaucoup d’autres, nous serons confrontés à des choix fondamentaux. Et si ces choix ne nous conviennent pas, alors la gauche politique et syndicale devra se mobiliser encore plus intensément qu’aujourd’hui, par le biais du référendum, de l’initiative et de manifestations plus impressionnantes encore que celle du 20 septembre dernier contre le démantèlement de l’AVS.

J’entends déjà Couchepin dire que nous sommes des conservateurs, ce à quoi j’ai envie de répondre : « Conservateur toi-même ! » Car lorsque l’on propose de faire travailler les gens jusqu’à 67 ans … dans un premier temps, nous ne pouvons pas vraiment dire que nous avons un génie du modernisme en face de nous !

Couchepin et d’autres nous disent aussi qu’avec nos revendications, nous allons asphyxier l’Etat. Or, que les choses soient claires, une fois pour toutes ! Il n’y a pas de crise financière en Suisse, il y a une crise de la redistribution. Les caisses sont vides parce que ces dix dernières années, la majorité du Parlement a fait des cadeaux fiscaux aux catégories les plus favorisées à coup de milliards, parce qu’on n’a pas voulu d’un impôt sur les gains en capital et parce que beaucoup de cantons ont supprimé l’impôt sur les successions, lequel joue pourtant un rôle essentiel dans l’équilibre social général. Du coup, toutes ces décisions ont empêché la satisfaction d’un grand nombre de besoins sociaux et ont contribué à augmenter le nombre des personnes à l’assistance, la délinquance et la violence sociale, au même titre que le secret bancaire est le principal virus qui ronge la place industrielle suisse, puisque celui-ci contribue à tirer sans cesse le franc suisse vers le haut, au détriment de nos exportations.

Ces quelques réflexions montrent clairement que ce pays dispose d’assez de richesses pour financer une AVS digne de ce nom, une assurance maladie sociale, une assurance maternité que les femmes attendent depuis 50 ans, une politique économique au service de l’emploi et des services publics de qualité, jusque dans les régions les plus excentrées.

Même si les résultats des dernières élections fédérales ne font pas souffler le vent dans cette direction, la Suisse ne fera pas non plus l’économie d’un débat sur sa place en Europe. Les discussions en cours à propos du deuxième paquet d’accords bilatéraux montre d’ailleurs que cette politique des petits pas est de moins en moins comprise par les autres Européens, et cette incompréhension va bien sûr augmenter avec la naissance toute prochaine d’une Europe composée de 25 pays.

La gauche politique et syndicale a toujours soutenu l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne. Mais cela ne signifie pas que nous acceptons n’importe quelle Europe. Dans la perspective de l’extension de la libre circulation des personnes aux pays de l’Est, nous avons d’ailleurs clairement signifié que nous ne marcherons pas dans l’opération si le Parlement ne met pas sur pied un certain nombre de mesures permettant de renforcer la lutte contre le dumping social et la sous-enchère salariale.

A côté de ces choix de société, un autre choix est devant nous, celui du 10 décembre prochain. Je ne veux pas entrer ici dans toutes les considérations stratégiques et tactiques du renouvellement du Conseil fédéral, car nous en aurions jusqu’à 3 heures du matin. Mais je veux tout de même dire haut et fort que jamais, ni le 10 décembre ni un autre jour, je ne donnerai ma voix à Christoph Blocher, ni d’ailleurs à l’un de ses proches. Plus précisément encore, et tout en étant conscient de ma position minoritaire au sein de mon parti, j’ai déjà dit à plusieurs reprises qu’entre deux UDC au Conseil fédéral et la participation socialiste au gouvernement, il faudra choisir. Dans une interview, la « Wochenzeitung », hebdomadaire de la gauche alternative alémanique, a résumé ma pensée en ces termes : « 2 SVP rein, SP raus ! » Je pense qu’il est inutile de traduire !

Si j’ai adopté cette position très catégorique, c’est qu’au fil du temps, j’ai acquis non seulement la conviction, mais la certitude, que l’UDC blochérienne n’est pas un parti politique comme un autre. Car lorsqu’on cultive le culte du chef, que l’on décrète que ce sera moi ou personne d’autre, que l’on joue sur les peurs économiques et sociales des gens pour attiser la xénophobie et le racisme – notamment avec certaines pages de pub qu’une presse courageuse aurait dû refuser durant la campagne électorale - que l’on fait la chasse aux soi-disant « faux invalides » et que l’on rend les étrangers responsables des difficultés financières des assurances sociales (alors que la CNA vient de démontrer le contraire dans le domaine de l’assurance accidents) et que l’on veut renvoyer les femmes aux casseroles, on n’est pas encore un parti fasciste, mais on pourrait peut-être le devenir un jour !

A cela s’ajoute le fait qu’au sein d’un Conseil fédéral comprenant deux représentants de l’UDC et probablement deux radicaux aussi, le PS n’aurait pratiquement plus rien à dire, devrait assumer des choix qui ne seraient définitivement plus les siens et se couperait ainsi d’une partie de ses militants et de ses électeurs, au profit des Verts et des autres partis de gauche. Dans cette hypothèse, la note pourrait être très lourde pour le PS en 2007.

Lors des événements de Mai 68, on pouvait lire ce graffiti sur les murs de la Sorbonne : « Si ton père est gaulliste, deviens orphelin. » Aujourd’hui, je modifierais quelque peu ce slogan pour lui donner la tournure suivante : « Si ton père est blochérien, demande l’asile politique dans une autre famille et entre dans la résistance ! »

Dans le Jura, heureusement, peu de nos pères – et de nos mères - sont blochériens, et je dois dire que le 19 octobre, j’ai enregistré avec une certaine fierté le fait que le Jura soit le seul canton romand à ne pas envoyer de représentant de l’UDC blochérienne au Parlement fédéral !

Les militants et les élus de gauche, et de manière plus générale les démocrates, doivent dénoncer sans relâche les effets du blochérisme. Mais nous devons aussi nous demander si nous ne portons pas une part de responsabilité dans l’émergence de cette force politique.

Ainsi, avons-nous suffisamment pris en compte les besoins et les aspirations des milieux modestes ? Durant des décennies, les grandes forces politiques n’ont-elles pas eu trop tendance à se comporter comme un cartel et à gommer leurs différences ? L’absence d’une véritable force d’opposition durant de nombreuses années n’a-t-elle pas créé un terreau fertile au national-populisme, de même que la concordance, le consensus et la célèbre formule dite « magique » ?

Il n’est pas aisé de répondre à ces questions, mais celles-ci doivent pour le moins être débattues sérieusement, à défaut de quoi la « bête immonde », pour reprendre une expression de Bertolt Brecht, risque encore de poursuivre sa progression, alors même que cela ne servirait ni la démocratie, ni une prospérité équitablement répartie, ni les intérêts des régions périphériques et du Jura. Il faut aujourd’hui réaffirmer les différences idéologiques entre la gauche qui veut gommer les inégalités et une droite qui ne veut donner une chance qu’à celles et ceux qui en ont déjà.

Tous ceux qui refuseront de débattre des quelques problèmes que j’ai esquissés et d’en tirer les conclusions politiques qui s’imposeront, autrement dit de se battre, porteront une lourde responsabilité face à l’Histoire. Car comme le dit si bien Hocine Aït-Ahmed, dirigeant du Front des forces socialistes (FFS) en Algérie et que le PSJ a accueilli lors d’un meeting au mois d’août : « Si les hommes ne sont pas responsables de leurs échecs, ils sont tout de même responsables des batailles qu’ils n’ont pas menées. »

C’est dans cet esprit de démocratie et de lutte que je vous remercie encore une fois pour votre appui et que je vous invite à partager tout à l’heure une collation pour fêter notre succès collectif. Et comme j’aime bien l’art de la paraphrase, je vais m’inspirer d’Ernest Hemingway qui a écrit cette réflexion très profonde dans « Le vieil homme et la mer » : « L’homme n’est pas fait pour la défaite ». Je n’aurai pas la prétention d’être plus profond qu’Hemingway, mais ce que je vous dis, pour aujourd’hui et pour demain, c’est que la gauche est faite pour la victoire !

Bonne soirée à tous.

Jean-Claude Rennwald

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Jean-Claude Rennwald - conseiller national
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