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Assemblée des délégués du PSS du 4 mars à Näfels

La seule solution, c’est l’adhésion à l’Europe !

Intervention de Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU) à propos de la 2ème partie de la plate-forme européenne du PSS

Chers camarades,

Un douanier jurassien me confiait récemment ses états d’âme à propos de l’Union européenne :

 « J’ai voté oui le 25 septembre 2005, mais à ce stade, l’intégration de la Suisse à l’Europe ne profite qu’aux patrons, car nous avons désormais tous les inconvénients de l’Union européenne, mais aucun de ses avantages ».

Et ce douanier avait raison : le bilatéralisme a permis à la Suisse de s’intégrer à l’Europe des marchands, mais pas à l’Europe politique et sociale.

Certes, ce douanier exagérait quelque peu : le bilatéralisme a tout de même quelques avantages :

Dans une certaine mesure, les travailleuses et les travailleurs ont aussi bénéficié de cette intégration partielle à l’Union, car certains accords bilatéraux ont généré – et vont encore générer – un surplus de croissance. En outre, grâce à l’intense travail mené par la gauche politique et syndicale, les salariés suisses ont obtenu, à travers les mesures d’accompagnement, une élévation importante du droit du travail, telle qu’on n’en avait plus connue depuis des décennies. Je pense notamment à l’extension facilitée du champ d’application des CCT et à la lutte contre les abus en matière de travail temporaire.

Toutefois, la Suisse reste isolée et elle en paie le prix :

-  Entre 1995 et 2004, la croissance annuelle du PIB réel par habitant a été de 2,1 % dans l’Europe des Quinze et de ... 0,8 % en Suisse.

-  Entre 1995 et 2004 toujours, la croissance annuelle des salaires réels a été de 1,3 % dans l’UE et de ... 0,5 % en Suisse.

-  Et la situation ne cesse d’empirer. A la fin des années cinquante, début des années soixante, le niveau de vie moyen était deux fois plus important en Suisse que dans les autres pays d’Europe occidentale. Aujourd’hui, cet écart n’est plus que de 20 %.

Certes, la croissance européenne reste relativement modeste, en raison de la politique économique de certains pays et de la politique monétaire restrictive pratiquée par la Banque centrale européenne. Il n’en demeure pas moins que la Suisse reste à la traîne de l’Europe, et que cette situation prend ses racines dans son isolement. En effet, malgré les accords bilatéraux, l’économie suisse ne profite pas pleinement du dynamisme du grand marché intérieur européen, car elle n’y est pas complètement intégrée.

On ne peut prétendre que « l’Alleingang » suisse est la cause principale de la récession des années nonante, mais l’Autriche fournit un bel exemple d’une forte croissance économique et d’un processus de réformes de la politique intérieure qui sont liées à l’adhésion de ce pays à l’UE.

Selon nous, dans un proche avenir, la seule solution, c’est l’intégration totale, c’est-à-dire l’adhésion à l’Union européenne !

Tout d’abord parce qu’il devient que plus en plus évident que le bilatéralisme a ses limites :

Les accords bilatéraux sont statiques, alors que l’UE se développe de manière dynamique. Cela pose des problèmes récurrents, parfaitement illustrés par les extensions successives de la libre-circulation des personnes entre la Suisse et l’Union au fur et à mesure que celle-ci s’agrandit. L’an dernier, cela a été le cas suite à l’entrée de 10 nouveaux pays, principalement de l’Est, dans l’UE. En 2007, il faudra à nouveau recommencer le processus avec la Bulgarie et la Roumanie. Et ainsi de suite. A chaque fois, ce sont l’ensemble des relations entre la Suisse et l’UE qui risquent de passer à la guillotine au cas où ces extensions seraient refusées.

Par ailleurs, il est évident que la souveraineté de la Suisse est mise à mal par le bilatéralisme : le droit communautaire avance, influence le droit suisse qui se doit eurocompatible, sans que notre pays n’ait aucunement la possibilité d’influer sur les décisions prises dans l’UE. Rappelons notamment que certaines décisions du Conseil européen se prennent à l’unanimité et que tous les pays, même petits, y ont donc un pouvoir important. De plus, si l’on pense à l’environnement, à l’immigration ou aux délocalisations, les problèmes sont de plus en plus nombreux à ne trouver dans le cadre national que des réponses limitées, voire des mauvaises réponses.

Hors de l’Europe, la Suisse s’affaiblit. Comme l’a écrit l’ancien conseiller fédéral Rudolf Friedrich : « L’Europe peut exister sans la Suisse, mais non la Suisse sans l’Europe »[1]. Et c’est un radical qui le dit…

L’UDC prétend le contraire. Mais elle a clairement tort. Cependant, pour en convaincre la population suisse, plutôt que d’entrer dans un débat sans fin d’arguments et de contre-arguments teintés d’idéologie sur la souveraineté suisse, faisons mieux : montrons une Europe qui fait envie !

-  L’UE est une grande œuvre de paix. Et dans la perspective d’une entrée des Balkans dans l’UE, ce sont là bien plus que des mots !

-  L’UE est un modèle social unique au monde, même si celui-ci subit actuellement des attaques massives, ce qui est également le cas au niveau national.

-  L’UE, c’est une protection des travailleurs et des travailleuses meilleure qu’en Suisse. Sans tomber dans une « mystification sociale » de l’Union européenne, force est d’admettre que l’adhésion de la Suisse aurait des effets bénéfiques dans le domaine des assurances sociales et du droit du travail et accroîtrait les droits des salariés. Je pense notamment à la durée du travail (48 heures par semaine au maximum, y compris les heures supplémentaires, alors qu’en Suisse, on peut aller bien au-delà), à la protection contre les licenciements, à la participation des travailleurs dans les entreprises, à de meilleures possibilités de concilier vie privée et vie professionnelle avec un congé parental.

-  L’UE, c’est encore une meilleure protection des consommateurs et des consommatrices.

Je pourrais multiplier les exemples, mais la meilleure preuve que l’adhésion à l’UE sera favorable aux travailleurs et aux travailleuses n’est-il pas que le patronat de ce pays s’y oppose vigoureusement ? Une vingtaine de conseillers nationaux radicaux, PDC et UDC, ont déposé, durant la session d’automne 2005 des Chambres fédérales, une motion demandant le retrait de la demande d’adhésion de la Suisse à l’UE. Ils veulent se concentrer sur la voie bilatérale.

Cette demande de retrait a déjà été exprimée à de nombreuses reprises. Ce qui est nouveau, c’est que les parlementaires qui ont signé cette motion sont tous issus de l’économie. On y trouve la fine fleur du patronat siégeant sous la Coupole fédérale : Pierre Triponez (directeur de l’USAM), Werner Messmer (président de la Société des entrepreneurs), Johann Schneider-Ammann (président de l’industrie des machines), ou encore les entrepreneurs UDC Peter Spuhler et Jean-François Rime. L’objectif de ces milieux est clair : la voie bilatérale les satisfait en les intégrant à l’Europe des marchands, sans qu’ils n’aient à subir ce qui pour eux sont les « inconvénients » de l’Europe politique, sociale et culturelle.

Evidemment l’adhésion de la Suisse à l’UE comporte aussi des risques :

-  Le champ des décisions relevant de la démocratie directe serait légèrement rétréci

-  la Suisse devrait payer une contribution de 3,125 milliard de francs à l’UE

-  le taux de TVA doublerait

-  l’UE exigerait un degré d’ouverture dans le domaine de la poste, de l’électricité et des télécommunications que nous, socialistes, refusons.

Cependant, qui dit adhésion dit négociations. Et là, la Suisse pourra très bien demander – et obtenir – des périodes transitoires, et même des exceptions durables, notamment dans le domaine des services publics. De plus, la contribution à l’Union sera très largement compensée par le surplus de croissance qui résultera d’une participation pleine et entière au grand marché européen.

N’oublions pas non plus qu’un inconvénient peut aussi devenir un atout. Si l’augmentation du taux de TVA est par exemple attribuée au financement des assurances sociales, le coût en sera moindre pour la population. C’est pourquoi le PSS doit prendre – dès maintenant - une part active et présenter ses propres propositions dans le cadre de la discussion sur les réformes intérieures qu’impliquerait l’entrée de la Suisse dans l’Union européenne, que cela concerne la démocratie directe, le fédéralisme ou encore l’utilisation sociale de la TVA.

Si nous affirmons que dans un proche avenir, la seule solution, c’est l’adhésion, nous osons toutefois critiquer l’UE et dire que ce n’est pas le paradis.

Tous les arguments favorables à l’adhésion de la Suisse à l’UE ne doivent surtout pas empêcher le PSS d’avoir une vision critique sur les développements en cours au sein de l’Europe : déficit démocratique, chômage important, précarité, privatisations, libéralisations, attaques contre les services publics, et j’en passe. Toutefois, et malgré un certain nombre de dérives néolibérales évidentes (incarnées notamment par la version initiale de la directive Bolkestein), l’Union européenne reste malgré tout le modèle démocratique et social le plus achevé de la planète.

Et surtout, je suis convaincu que les défauts dont nous accusons l’UE, nous les combattrons plus efficacement de l’intérieur, qu’en restant à l’extérieur. La nouvelle orientation prise par le Parlement européen à propos de la directive sur les services montre d’ailleurs qu’une mobilisation sociale et syndicale d’envergure européenne pèse de tout son poids.

Mais nous avons la partie facile, ici à l’Assemblée des délégué-e-s du PSS, de nous prononcer pour l’adhésion de la Suisse à l’UE. C’est la population qu’il faut convaincre !

Tout le monde le sait, le scrutin du 25 septembre 2005 n’a pas été un vote en faveur de l’adhésion, dont les partisans sont encore minoritaires en Suisse. Pourtant, n’oublions pas que, d’une certaine manière, les citoyens suisses, en disant oui à l’extension de la libre circulation des personnes, sont les seuls en Europe à avoir explicitement accepté, en votation populaire, l’élargissement de l’Union européenne, alors ... qu’ils n’en font pas partie !

Tous les faits et les arguments qui précédent militent en faveur d’un engagement du PSS pour un grand débat public en faveur de l’adhésion. Comment dès lors créer un rapport de forces qui permettra à la Suisse de faire le grand saut dans l’Union ?

Une réponse sérieuse à la question passe par ce rappel. Depuis 1986, date de la première votation sur l’entrée de la Suisse à l’ONU, le peuple a été consulté sur onze sujets de politique étrangère. Parmi ces onze sujets, 7 fois ce fut OUI à l’ouverture, et 5 fois ce fut grâce à l’union de la gauche, de la droite classique et des milieux économiques. Il convient dès lors de contraindre les milieux économiques, ou du moins une partie d’entre eux, à monter dans le train de l’adhésion.

A cet effet, l’un des principaux instruments de la gauche est le refus catégorique d’un troisième train d’accords bilatéraux. Sauf bien entendu s’il s’agit de modifier des accords existants, comme celui sur la libre circulation des personnes, ou de mettre en place de nouveaux accords très techniques : par exemple sur la sécurité alimentaire ou les appellations d’origine contrôlée (AOC). Nous nous couperions en revanche l’herbe sous les pieds si nous acceptions d’entrer en matière, hors processus d’adhésion, sur des accords beaucoup plus substantiels : libéralisation des services, énergie, marché de l’électricité, union douanière. Nous déroulerions le tapis rouge aux dirigeants de l’industrie et de la finance qui, une fois servis, auraient encore moins d’appétit que jusqu’ici pour l’adhésion.

Celles et ceux qui veulent que la Suisse entre dans l’Union doivent faire comprendre à la droite politique et économique, une fois pour toutes, qu’elle ne peut plus se contenter de la satisfaction de ses seuls intérêts dans le cadre de nos relations avec l’UE, mais qu’elle doit désormais les faire valoir dans un processus plus large. Celui de l’intégration de la Suisse dans une Europe non seulement économique, mais qui, malgré toutes ses difficultés actuelles, se veut aussi un projet collectif et citoyen.

D’ici là et dès à présent, l’effort principal de la gauche doit bien sûr porter, en matière de politique européenne, sur une mise en œuvre rapide et efficace des mesures d’accompagnement visant à combattre le dumping social et la sous-enchère salariale. Cela pour deux raisons :

-  premièrement, respecter les promesses que nous avons faites aux salariés durant la campagne du 25 septembre 2005 engage notre crédibilité, à nous – parti socialiste - qui les avons tenues ;

-  deuxièmement, respecter ces promesses est le seul moyen d’associer le monde du travail au processus d’intégration européenne et de rassurer – concrètement – les personnes qui ont l’impression d’être dans le camp des perdants face à la concurrence de leurs collègues étrangers.

Pour satisfaire cette exigence, la gauche et le mouvement syndical disposent d’un moyen de pression redoutable. Comme je viens de le dire, d’ici deux à trois ans, le peuple se prononcera vraisemblablement une nouvelle fois sur l’extension de la libre circulation des personnes, à la Roumanie et à la Bulgarie. Or, en cas d’échec, tous les accords bilatéraux – et ils concernent maintenant 25 pays, 450 millions de personnes et un quart de la production mondiale ! - seraient menacés... De plus, le peuple aura de toute façon la possibilité de se prononcer une nouvelle fois en 2009 sur la libre circulation.

Ce n’est qu’à la condition qu’elle aura été satisfaite de l’application des mesures d’accompagnement que la population suisse acceptera de continuer l’aventure européenne. Ce n’est pas du chantage, ce n’est pas du protectionnisme, c’est la réalité de la lutte pour de bonnes conditions de travail et de vie.

Par ailleurs, tout en continuant d’accorder la priorité d’une part à la mise en œuvre des mesures d’accompagnement et d’autre part à la relance de l’adhésion, le PSS doit dès maintenant s’impliquer davantage dans les discussions et les actions relatives au devenir de l’Union européenne. La participation du syndicat Unia à deux manifestations européennes contre la directive Bolkestein (en 2005 et il y a deux semaines) peut être considérée comme un exemple à suivre. Nous devons sans attendre participer à l’Europe en construction, pour qu’elle soit, pour qu’elle reste, sociale et démocratique.

C’est dans cet esprit que je vous invite à entrer en discussion sur la deuxième partie de la plate-forme européenne du PSS.

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Jean-Claude Rennwald - conseiller national
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Privé : Tél. + Fax. / ++41 (0) 32 435 50 30
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E-mail : rennwald@bluewin.ch - Internet : http://www.rennwald.ch
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