Tribune
Moins d’armes = moins de suicides et d’homicides

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU)

Les études internationales sont unanimes. La disponibilité des armes est un élément essentiel du passage à l’acte, qu’il s’agisse de meurtre ou de suicide. Voilà un motif suffisant pour soutenir l’initiative populaire « Pour la protection face à la violence des armes », qui sera soumise au vote du peuple et des cantons le 13 février prochain. Cette initiative veut remplacer le régime actuel d’autorisation et de contrôle des armes par un nouveau système. Toutes les armes militaires devraient dorénavant être déposées à l’arsenal, et un registre fédéral central des armes à feu remplacerait les registres cantonaux. L’initiative exige en outre que la preuve du besoin et de l’existence des capacités requises soit apportée pour l’utilisation d’armes à feu ou de munition.

300 vies anéanties
Chaque année, en Suisse, 300 vies humaines sont anéanties en raison de l’usage d’armes à feu. Ce sont 300 morts de trop. La grande majorité des armes à feu en circulation dans notre pays sont des armes militaires. Or, le maintien du fusil d’assaut ou du pistolet d’ordonnance à la maison est un héritage du passé et de la guerre froide, qui ne se justifie plus aujourd’hui du point de vue militaire. Raison pour laquelle l’initiative garantit que les armes militaires soient déposées en lieu sûr, c’est-à-dire à l’arsenal.
Dans un ménage suisse sur trois, il y a aujourd’hui au moins une arme à feu. Or, la violence domestique est plus fréquente qu’on ne le croit et ses principales victimes sont des femmes et des enfants. Avec une arme à feu, en effet, la limite qui sépare la menace du geste fatal – homicide ou suicide - peut être très rapidement franchie quand la colère, la haine ou la folie obscurcissent le jugement.

Armée plus petite = moins de suicides
Selon une étude publiée par le Bulletin des médecins suisses, aucun autre pays européen ne compte autant de suicides par armes à feu pour 100'000 habitants. Cette étude établit une nouvelle fois la corrélation entre la détention d’armes militaires à domicile et la proportion de suicides par arme à feu. Plus concrètement encore, on peut évaluer la fréquence du recours à l’arme militaire dans 40 à 45 % des cas de suicide par arme à feu. On constate aussi que la réduction de la taille de l’armée a eu des effets positifs en matière de suicides. Dès l’introduction des restructurations apportées par Armée XXI, les suicides par armes à feu ont diminué de 48,6 % chez les hommes âgés de trente à quarante ans, soit dans la catégorie d’âge désormais libérée des obligations militaires.

Chasseurs et sportifs épargnés
Les adversaires de l’initiative ne cessent d’affirmer qu’il s’agit d’un texte antimilitariste et qui va à l’encontre des traditions de notre pays. Or, rien n’est plus faux. L’initiative n’est pas dirigée contre les tireurs sportifs, les chasseurs et les collectionneurs qui font un usage responsable des armes qu’ils détiennent. Les personnes qui ont besoin d’une arme à feu et qui disposent des capacités requises pourront garder cette arme. Le tir en campagne et les tirs obligatoires ne sont pas remis en question. Les armes réellement nécessaires seront répertoriées dans un registre central et les armes superflues, potentiellement dangereuses, retirées de la circulation. Cette mesure augmentera considérablement la sécurité.

Quelle cohésion nationale ?
Selon les adversaires de l’initiative, l’arme à la maison serait une tradition qui constituerait le ciment de notre cohésion nationale. Mais ne peut-on pas aimer son pays sans être un fanatique du port d’armes ? Et la cohésion nationale ne dépend-elle pas davantage de la qualité de la sécurité sociale, du développement des conventions collectives de travail (CCT) ou encore de la solidarité entre générations ? Poser la question, c’est déjà y répondre.