Tribune
11e révision de l’AVS : on se moque du peuple

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), vice-président de l‘USS 

Relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, aucune mesure en faveur d’une retraite flexible à caractère social, affaiblissement de l’indice mixte servant de base à l’indexation des rentes. Tels sont les principaux résultats – si l’on peut dire – du débat que le Conseil national a récemment consacré à la 11e révision de l’AVS. La droite dure (UDC, radicaux, une minorité du PDC) l’a ainsi emporté sur toute la ligne. Le dossier doit certes être encore traité par le Conseil des Etats, mais à moins d’un miracle, celui-ci s’en tiendra certainement à une ligne aussi stricte.

Insulte au peuple

Ces décisions du Conseil national constituent une véritable insulte à l’égard du peuple suisse qui, en 2004, avait rejeté à raison de 70 %, une précédente révision de l’AVS, précisément parce qu’elle relevait déjà l’âge de la retraite des femmes et parce qu’elle ne prévoyait pas de retraite flexible ! En d’autres termes, la majorité bourgeoise du Conseil national a mis en place une solution exactement conforme à celles que la grande majorité des citoyennes et des citoyens de notre pays ont rejeté en 2004 ! La ficelle est tellement grosse que les radicaux et Pascal Couchepin se demandent s’il ne vaudrait pas mieux retirer ce projet, afin de ne pas essuyer une défaite aussi sévère que celle de 2004 devant le peuple !

Un choix historique

Lors des débats, toutes les propositions visant à instaurer une retraite flexible ont été rejetées, même un compromis minimal, prévoyant de réinvestir 400 millions de francs pour une flexibilisation des retraites.

Dans ces conditions, le choix qui s’offrira dans quelque temps au peuple sera très clair, voire historique : Ou il acceptera la 11e révision de l’AVS, opération de pur démantèlement social, en particulier sur le dos des femmes, ou il soutiendra l’initiative de l’Union syndicale suisse (USS) pour une retraite à la carte. Celle-ci prévoit la possibilité de prendre une rente complète dès 62 ans pour tous les revenus inférieurs à 120'000 francs.

Une priorité des salariés

Parmi les arguments qui militent en faveur de cette initiative, on retiendra notamment ceux-ci :

- A partir de 60 ans, beaucoup de travailleuses et de travailleurs sont fatigués, physiquement et psychiquement, et pas seulement ceux qui exercent les métiers les plus pénibles, en raison de l’augmentation des cadences, des rythmes et du stress.

- Toutes les enquêtes menées au niveau syndical montrent que l’abaissement de l’âge de la retraite est la priorité des salariés.

- On dit souvent que l’occupation des travailleurs les plus âgés favorise la croissance économique. Certes, mais que fait-on de ces dizaines de milliers de salariés qui sont licenciés et qui, à partir de 55, voire 50 ans, ne parviennent plus à trouver un emploi ? Sans compter la nécessité d’offrir des places de travail aux jeunes.

- Dans un certain nombre de branches (bâtiment et horlogerie notamment), des solutions de retraite anticipée ont été trouvées entre partenaires sociaux. Le problème, c’est que la moitié des salariés du secteur privé ne sont pas au bénéfice d’une convention collective de travail (CCT).

- Enfin, le coût de l’initiative de l’USS, estimé à 800 millions de francs par année, est parfaitement supportable, puisqu’il y a 40 milliards dans le fonds AVS. Il est temps de ne plus faire croire au peuple que l’AVS est au bord du gouffre !

Au-delà de cette approche mathématique, il s’agit fondamentalement de savoir si nous voulons encore pénaliser les salariés en relevant l’âge de la retraite à 67 ans, voire davantage, où si nous voulons leur donner une retraite anticipée à un moment où ils peuvent encore jouir de la vie.