Tribune
Combattre la
xénophobie sur le terrain social
Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), membre du comité
directeur de l’USS
Après
l’acceptation de l’initiative « pour le renvoi des criminels
étrangers », il a été affirmé à de multiples reprises que l’initiative
était inapplicable telle quelle sans violer la Convention européenne des
droits de l’homme et l’accord sur la libre circulation des personnes
conclu entre la Suisse et l’Union européenne. Ces analyses sont justes.
Toutefois, la vraie dimension internationale de l’initiative pour le
renvoi n’est peut-être pas là et réside sans doute davantage dans le
fait que la stratégie de l’UDC fait rêver toute la droite
nationale-populiste européenne.
Le
Front national applaudit
En Europe, tous les partis xénophobes se sont félicités du vote suisse.
Vice-présidente du Front national, Marine Le Pen a applaudi une victoire
du « peuple contre les élites », avant de préciser que son parti « se
réjouit du vote des Suisses, qui correspond à ce que propose le Front
national pour la France ». Même réaction en Belgique de la part du parti
nationaliste flamand Vlaams Belang ou encore du FPÖ autrichien de Jörg
Haider.
Pis encore, en France, des députés de Droite populaire, la fraction la
plus réactionnaire de l’UMP – le parti de Nicolas Sarkozy – ont salué
« la vraie leçon de bon sens de nos amis suisses ». Parmi eux, on trouve
même un membre du gouvernement Fillon, le secrétaire d’Etat aux
transports Thierry Mariani…
Rebondir sur le terrain social
En réalité, l’insécurité que ressent une bonne partie de la population a
des racines bien plus profondes que la criminalité étrangère, d’ordre
socio-économique : peur de perdre son emploi, chômage, travail précaire,
insuffisance du pouvoir d’achat. Or, toutes ces insécurités découlent
directement de la politique ultralibérale menée par une bonne partie du
patronat suisse et européen. Même s’il faut saluer les démarches qui
visent à rendre les initiatives populaires compatibles avec les
engagements internationaux de la Suisse, c’est donc sur ce terrain
social qu’il convient de porter la contre-offensive. Et ceci d’autant
plus que sur ces questions, l’UDC est aux antipodes des intérêts des
salariés, mais aussi parce que la première analyse de l’institut gfs
montre que c’est dans les régions dominées par l’agriculture ou par
l’industrie et l’artisanat que l’initiative pour le renvoi a obtenu ses
meilleurs scores.
Le
syndicalisme au cœur du débat
Dans cette perspective, bon nombre de propositions syndicales sont plus
actuelles que jamais :
• Instaurer des salaires minimaux dans toutes les branches économiques
et combattre la sous-enchère salariale.
• Revaloriser le pouvoir d’achat des salariés, en particulier de ceux
qui ont les plus bas revenus.
• Lutter contre toutes les formes de travail précaire (travail sur
appel, travail temporaire, contrats à durée déterminée, etc.)
• Promouvoir une reconversion éco-sociale de l’économie, afin de créer
des emplois en quantité et en qualité.
Initiative citoyenne européenne ?
Ce combat doit bien sûr être mené dans chacun des pays européens. Mais
pour contrer les ultralibéraux et la droite nationale-populiste,
organisés sur le plan continental, cette lutte doit aussi se déployer à
l’échelle européenne. En cours de discussion au sein de la Confédération
européenne des syndicats (CES), le lancement d’une initiative citoyenne
et syndicale européenne pour les droits des travailleurs et contre le
dumping social et salarial permettrait de fédérer toutes les forces
sociales progressistes du continent.
Dans cette affaire, il faut enfin renforcer l’intégration des migrants
en donnant la priorité à la formation, à l’apprentissage des langues, à
l’emploi ou encore au logement. Car lorsque ces problèmes auront été
réglés, la cohabitation entre des populations d’origine et de cultures
différentes aura fait un grand bon en avant.
La
gauche jurassienne à l’heure
Dans ce contexte, il y a un lien direct entre les succès du Parti
socialiste et de l’ensemble de la gauche jurassienne lors des récentes
élections cantonales et le fait que les Jurassiennes et les Jurassiens
aient suivi les mots d’ordre socialiste et syndical lors de la votation
fédérale du 28 novembre, à savoir deux fois « non » à l’initiative et au
contreprojet sur le renvoi des criminels étrangers et « oui » à
l’initiative « pour des impôts équitables ». A savoir que c’est en
menant une politique fondée en priorité sur les besoins sociaux de la
population que l’on parvient à convaincre les gens que Suisses, immigrés
et frontaliers ont des intérêts fondamentalement communs.
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