Opinion / Paru dans le quotidien Le Temps du 11 oct.2000 L’adhésion à l’Union européenne, une priorité pour la gauche et le mouvement syndical Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), vice-président de l’USS Enterré par le Conseil des Etats, le contreprojet à l’initiative « Oui à l’Europe » aurait permis aux citoyens suisses de se prononcer non pas sur le principe d’une adhésion à l’Union européenne (UE), mais sur l’adhésion elle-même, en connaissant les résultats des négociations avec l’UE, et en ayant une idée précise des réformes intérieures qu’implique cette adhésion. Pensons aux droits populaires, au relèvement de la TVA à 15 % et à son utilisation, aux effets de l’adhésion sur la législation sociale, pour la neutralité et le fédéralisme. Les sénateurs n’ont pas voulu offrir cette possibilité au peuple. Eh bien, tant pis pour eux ! Dès aujourd’hui, il convient de se mobiliser en faveur de l’initiative « Oui à l’Europe », laquelle demande que la Confédération « engage sans délai des négociations d’adhésion avec l’Union européenne, en vue d’y adhérer ». Cette initiative constitue désormais le seul instrument permettant de poursuivre le combat pour l’adhésion. Un retrait du texte signifierait l’enterrement du débat pour une période d’au moins cinq ans. La bataille sera rude, et un échec n’est pas exclu. Cependant, la bataille n’est pas perdue d’avance. Un récent sondage montre que la moitié des Suisses sont disposés à entrer dans l’Union. L’analyse Vox réalisée après la votation du 21 mai sur les accords bilatéraux apporte aussi un élément de réflexion intéressant :« Seul un partisan des accords sur dix a voté oui dans l’espoir d’empêcher une adhésion à l’Union européenne.» Un échec c’est grave, l’immobilisme c’est pire Tout cela ne convaincra pas l’establishment politique. Eh bien, au diable l’establishment ! Entre l’attentisme stérile et une bataille à risques, nous avons choisi le second terme de l’alternative, choix qui repose aussi sur des observations concrètes :
De l’Europe des marchands à l’Europe politique et sociale Les socialistes et les syndicalistes devront profiter de la campagne sur l’initiative « Oui » à l’Europe (on votera en 2001) pour montrer que l’UE, même si elle n’est pas parfaite, constitue un cadre obligé pour construire un espace social, politique et citoyen continental. Bien sûr, son déficit démocratique, l’inexistence d’un pouvoir politique européen, la libéralisation des marchés publics et l’insuffisance d’une politique sociale et économique commune tendent à démontrer le contraire. Mais l’analyse doit aussi tenir compte d’autres données : · Le Traité de Maastricht a permis l’amorce d’une citoyenneté européenne : si un citoyen d’un Etat de l’UE élit domicile dans un autre Etat dont il n’a pas la nationalité, il peut prendre part aux élections au Parlement européen. Il obtient le droit de vote et d’éligibilité au niveau communal.. · Les droits du Parlement européen ont été élargis. Exemple : il contrôle la politique de la Commission européenne et peut l’obliger à démissionner, à la majorité qualifiée des deux tiers. · Il n’y a pas de progrès social et pas de création d’emplois sans croissance économique. Or, l’adhésion à l’UE entraînera un surplus de croissance supérieur à celui que procurera la mise en œuvre des accords bilatéraux. En outre, au sein du grand marché de l’Union (360 millions de consommateurs), 70 % des échanges des pays membres sont intracommunautaires, ce qui relativise le spectre de la concurrence exacerbée et des délocalisations. · Une politique sociale communautaire s’est bâtie sur la base des traités et des actes dérivés : libre circulation des personnes, sécurité sociale des travailleurs migrants, promotion de l’égalité entre travailleurs, émergence de normes sociales minimales, voire de normes tendant à l’harmonisation pure et simple (protection de la santé et sécurité au travail), amorce d’un dialogue social avec deux premiers accords collectifs, sur le congé parental et sur le temps partiel. En cas d’adhésion de la Suisse à l’UE, ces dispositifs auraient une influence considérable. Les pays de l’Union connaissent l’assurance maternité depuis belle lurette. Une directive européenne fixe la durée du travail, heures supplémentaires comprises, à 48 heures par semaine au maximum. En Suisse, on peut aller bien au-delà. Les salariés suisses profiteraient aussi d’une extension des droits de participation ainsi que d’un renforcement de la protection contre les licenciements. Les avancées sociales se construisent dans le cadre de luttes syndicales. Les comités d’entreprises européens représentent un projet majeur en vue d’organiser les travailleurs à l’échelle européenne. En 1997, la fermeture de l’usine Renault de Vilvorde, en Belgique, a provoqué la première eurogrève de l’histoire et a débouché sur une euromanifestation à Bruxelles. Sur les banderoles des 70'000 participants, on pouvait lire : « L’Europe sans frontières, oui ! L’Europe sans boulot, non ! » L’Europe sociale s’est peut-être mise en marche à cette occasion, et d’aucuns, comme le sociologue Pierre Bourdieu, en appellent à la construction d’une confédération syndicale européenne unifiée et à la renaissance d’un esprit syndical internationaliste. La gauche et les syndicats ne pourront sauter dans ce train que s’ils s’engagent dans la bataille de l’adhésion, tant il est vrai que le repli de la Suisse sur elle-même d’abord les forces progressistes de ce pays. Jean-Claude Rennwald |
Jean-Claude
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