Opinion
L’injustice fiscale, ça suffit !

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national PS/JU), vice-président de l’USS

Selon notre ministre des finances Hans-Rudolf Merz et tous les leaders de la droite politique et économique, la réforme de l’imposition des entreprises, qui sera soumise au peuple le 24 février, favorisera les petites et moyennes entreprises (PME), la croissance et la création d’emplois. En réalité, rien n’est plus faux, car cette réforme profiterait essentiellement aux couches les plus fortunées de la population. Elle entraînerait une diminution massive des recettes fiscales de la Confédération et des cantons, mais aussi une baisse des cotisations AVS. En effet, les propriétaires de PME profiteraient de la baisse de l’imposition des dividendes pour se verser des salaires à l’AVS moins élevés tout en distribuant des dividendes plus généreux qui, eux, ne sont pas astreints au paiement des cotisations AVS.

Cette réforme s’inscrit dans la droite ligne des projets qui visent à aggraver les inégalités fiscales entre les salariés et les détenteurs de capitaux, au profit de ces derniers :

• Alors que les salariés et les retraités sont soumis aux impôts jusqu’au dernier franc, les grands actionnaires ne paieraient que 3 francs sur 5, le reste étant libre d’impôt ! Alors que le revenu du travail est taxé à 100 %, le revenu du travail que représentent les dividendes ne serait taxé qu’à 60 %, et seulement pour ceux qui ont au moins 10 % d’actions d’une entreprise qui fait des bénéfices. A cela s’ajouterait l’imputation des impôts sur le bénéfice, qui profiterait aux sociétés par action les plus rentables.

• Les principaux vainqueurs en cas de oui le 24 février seraient au nombre de 8'400 personnes, soit 2 pour mille des contribuables. En revanche, les autres PME, les 3,8 millions de salariés et les 1,8 millions de retraités du pays n’auraient rien du tout !

• Ce projet diminue les impôts de ceux qui sont déjà des privilégiés. Or, avec les mêmes montants, on pourrait augmenter de 100 francs par mois chaque rente AVS ou chaque allocation familiale !

Si elle voyait le jour, cette réforme entraînerait une perte annuelle de recettes de 2 milliards pour la Confédération et les cantons et de 300 à 400 millions pour l’AVS. Le résultat, c’est que l’Etat central et les cantons devraient s’endetter, augmenter d’autres taxes et impôts (au détriment des bas et moyens revenus) ou faire des économies, lesquelles toucheraient des secteurs aussi vitaux que la formation, la recherche, la santé, la sécurité sociale et les transports publics. L’Etat aurait aussi moins de réserves pour relancer la machine économique en cas de crise.

Si ce projet devait passer le cap, la droite ne s’arrêterait pas en si bon chemin. Plusieurs projets sont déjà dans l’air en vue de réduire, voire de supprimer l’impôt fédéral direct et de le remplacer par une hausse de la fiscalité indirecte. Et tout cela au nom de la croissance, alors que l’exemple des pays nordiques montre qu’une fiscalité juste et importante n’empêche pas d’avoir une bonne santé économique.

L’alternative à ce projet réside dans une limitation de la concurrence fiscale, comme le propose l’initiative socialiste pour des impôts équitables, qui veut introduire dans tout le pays un taux minimal d’imposition des hauts revenus et des grandes fortunes.