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Opinion

Face au dumping social, la libre circulation syndicale !

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), vice-président de l’USS

Le gouvernement neuchâtelois a présenté voici quelque temps une étude concernant l’impact de la libre circulation des personnes sur la région transfrontalière formée du Canton de Neuchâtel et du Département français du Doubs. Cette étude, dont les conclusions peuvent certainement s’appliquer aux autres régions frontalières de Suisse romande, voire de l’ensemble du pays, fait notamment apparaître : une fragilisation des marchés locaux du logement, avec des phénomènes d’exclusion ; une croissance des inégalités, particulièrement entre les salariés français qui travaillent dans leur pays et ceux qui ont un emploi en Suisse ; un risque important de concurrence entre les travailleurs, du fait que certains frontaliers peuvent être incités à proposer leurs services à un coût plus faible que celui du marché suisse ou à accepter plus facilement des conditions de travail contraignantes, comme le travail en équipes ; un développement de la précarité en raison de l’augmentation du travail temporaire et des contrats de moins de 90 jours.

Tous ces phénomènes sont de nature à porter atteinte à la cohésion sociale et régionale. Pour les contrer, les auteurs de l’étude proposent des réformes dont la plupart s’insèrent dans une logique syndicale ; meilleure réglementation du travail temporaire (contribution au 2e pilier, transparence des contrats intérimaires) ; renforcement des contrôles dans l’application des conventions collectives de travail (CCT), en particulier dans les secteurs les moins structurés ; nouveau mode d’imposition du travail frontalier, dans le but de ne pas prétériter les collectivités publiques concernées.

Le travail transfrontalier interpelle les organisations syndicales depuis des années, voire depuis des décennies et cette forme d’emploi mobile a encore pris plus d’ampleur avec la libre circulation des personnes, entre la Suisse et les pays voisins, mais aussi entre d’autres pays d’Europe. Pour nous, les choses sont claires. Un frontalier qui travaille dans notre pays a les mêmes droits que les Suisses et les immigrés établis. Mais les syndicats doivent tout entreprendre, avec toutes ces catégories de salariés, pour que le travail transfrontalier ne devienne pas toujours davantage un instrument au service du dumping social et de la sous enchère salariale. Et ceci d’autant plus que dans certains cas, comme Genève, voire les Montagnes neuchâteloises, le travail frontalier n’est plus que partiellement lié à l’évolution de la conjoncture, en ce sens qu’une augmentation du nombre des travailleurs frontaliers ne va plus forcément de pair avec une baisse du taux de chômage.

Afin de combattre ces déséquilibres, de respecter la dignité des migrants transfrontaliers et d’empêcher le développement des tendances xénophobes, terreau de la droite nationale populiste (le Front national en France, l’UDC en Suisse), les syndicats Unia et Force ouvrière (FO) Métaux ont décidé d’éditer, au printemps prochain, une brochure d’information commune pour les frontaliers français qui travaillent en Suisse romande (droits sociaux en France, droit du travail et conventions collectives en Suisse).

C’est un premier pas. Il est cependant nécessaire d’aller plus loin, car le travail mobile (migrants, frontaliers, etc.) ne cesse de se développer, en Suisse, en Europe et dans le monde. Désireuse de renforcer la solidarité transfrontalière entre les travailleurs et d’intégrer les migrants au sein du mouvement syndical, la Confédération européenne des syndicats (CES) a lancé l’idée d’une «carte d’affiliation syndicale européenne ». Celle-ci permettrait aux travailleurs membres d’un syndicat affilié à la CES dans un pays (FO, la CFDT ou la CGT en France) d’accéder facilement à un syndicat affilié à la CES dans un autre pays (Unia ou une autre fédération de l’USS en Suisse). La réalisation d’un tel projet se heurtera encore à des résistances, y compris … à l’intérieur du mouvement syndical, dont les activités, dans certains pays, restent encore trop confinées au cadre national. Il n’en reste pas moins que seules de telles initiatives sont susceptibles de contribuer à la construction d’une Europe sociale et syndicale.

Unia, qui a une expérience syndicale pratiquement inégalée dans l’intégration des migrants, pourrait apporter une contribution intéressante à la réalisation d’un tel projet. Plus de la moitié des membres d’Unia sont des migrants (immigrés établis, frontaliers, sans papiers), ce qui est probablement unique en Europe, voire au monde. Mais le syndicat Unia ainsi que les anciennes fédérations qui l’ont enfanté ont aussi mené nombre de batailles concrètes, souvent avec succès, dans le domaine de la migration : abolition du statut du saisonnier, lutte contre le travail au noir, mesures d’accompagnement relatives à la libre circulation des personnes, participation à de nombreux comités d’entreprises européens.

Ces expériences, comme celles menées par les autres syndicats européens, doivent être rassemblées, confrontées, échangées. A partir de là, il sera possible de mener une grande campagne qui pourrait avoir pour thème : « Un syndicat de la CES est votre allié au travail, ou que vous soyez en Europe. » Après la libre circulation des personnes, la libre circulation syndicale est aussi à l’ordre du jour !

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Jean-Claude Rennwald - conseiller national
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E-mail : rennwald@bluewin.ch - Internet : http://www.rennwald.ch
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