Tribune
Relance économique : encore un effort, svp

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), vice-président de l‘USS

A l’exception de l’UDC, aucun parti n’a contesté, la semaine dernière au Parlement fédéral, le plan de relance conjoncturelle de 710 millions de francs proposé par le gouvernement. Cette décision marque un virage, celui du retour de l’Etat et du politique, de cet Etat tant décrié par les néolibéraux de tout poil, mais qui aujourd’hui font aussi appel à lui pour soutenir les banques et l’économie réelle ! Belle revanche du keynésianisme et de la gauche politique et syndicale, qui ont pris une part active dans ce processus.

Il est toutefois trop tôt pour crier victoire, car ce paquet conjoncturel, s’il a le mérite d’exister, paraît bien maigrichon. Les 710 millions adoptés par les Chambres fédérales ne représentent que quelque pour mille du produit intérieur brut (PIB), alors que de nombreux Etats consacrent entre 1 à 6 % de leur PIB à la relance, la Chine allant même jusqu’à 18 %. Certes, toutes les situations ne sont pas comparables, mais il nous semble que le Conseil fédéral n’a pas encore pris toute la mesure de la crise, la plus grave depuis 1929, du moins sur le plan international. C’est pourquoi tant le mouvement syndical que le PS estiment que 5 milliards seraient nécessaires pour combattre sérieusement la récession, Peter Bodenmann articulant même le chiffre de 10 milliards de francs. Force est aussi de constater qu’en Suisse, on ouvre plus facilement les robinets pour sauver une grande banque que pour aider l’industrie, le bâtiment ou l’artisanat. Ces critiques ne doivent cependant pas empêcher les cantons de faire valoir leurs revendications par rapport à ce programme, car il leur ouvre d’assez nombreuses possibilités. Et le plus tôt sera le mieux !

Sur le plan qualitatif, ce programme conjoncturel contient de bonnes choses, mais il a aussi un aspect conservateur, en ce sens qu’on aurait pu mettre davantage l’accent sur l’innovation, les nouvelles technologies, les énergies renouvelables ou la formation continue. Mais le principal défaut de ce programme, c’est qu’il ne contient rien, ou presque, pour les industries d’exportation, alors que ce secteur est le plus touché et que ses difficultés auront des répercussions visibles pour les branches du marché intérieur.

Dans l’industrie, en particulier dans l’horlogerie, le chômage partiel, les licenciements et les plans sociaux sont le lot quotidien de dizaine de milliers d’hommes et de femmes de ce pays. Certes, la récente décision du Conseil fédéral d’allonger la durée maximale du chômage partiel de 12 à 18 mois et de ramener le délai de carence à 1 jour va offrir un bol d’air bienvenu à de nombreuses entreprises et à ceux qui y travaillent. Mais ce ne sera pas suffisant pour échapper au marasme, d’autant plus que la Banque nationale suisse (BNS) prévoit désormais un recul de la croissance de 2,5 à 3 %, ce qui est gigantesque, et que les personnes au chômage seront 200'000 à fin 2010. Une Banque nationale qui, par ailleurs, doit poursuivre sa politique d’affaiblissement du franc.

Dans un prochain programme conjoncturel, il conviendra de mettre en place un certain nombre de mesures permettant de soutenir et d’augmenter le pouvoir d’achat des personnes à bas et à moyen revenu. Contrairement à ce qu’affirment les idéologues bourgeois, la réalisation de cet objectif ne passe pas par une baisse de la fiscalité – laquelle ne profite généralement qu’aux catégories sociales les plus riches – mais par une réduction des primes d’assurance-maladie et par une augmentation des allocations familiales. Selon une étude réalisé par le Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l’Ecole polytechnique fédérale (EPF) de Zurich, il apparaît en effet qu’un franc investi dans des travaux publics génère une valeur ajoutée de 1,6 franc et de 1 franc si le même montant est affecté à des réductions de primes de caisse-maladie. En revanche, les allégements fiscaux ne sont guère efficaces, car les impôts épargnés sont, soit mis de côté soit dépensés pour des produits d’importation. En cas d’allégement de la TVA, les entreprises ne la répercutent pas sur les clients, de sorte qu’un franc de réduction d’impôt engendre au plus 50 centimes de valeur ajoutée et à peine plus en cas de baisse de la fiscalité directe.

Enfin, la santé de l’économie suisse passe aussi par l’image de la Suisse dans le monde. Suite à l’affaire UBS, cette image s’est passablement dégradée. Mais en cédant du lest sur la question du secret bancaire (suppression de la distinction entre évasion et fraude fiscales), le Conseil fédéral a fait un pas dans la bonne direction, même s’il a fallu que la gauche suisse et un certain nombre d’Etats exercent des pressions pendant de nombreuses années pour en arriver là, et même si le maintien de la distinction entre évasion et fraude pour la clientèle suisse paraît pour le moins contestable !