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Opinion / Paru dans le quotidien Le Temps du 19 juillet 2004

Après les bilatérales II et l’ouverture à l’Est, il faudra tout de suite passer à la seule chose sérieuse : la relance de l’adhésion

Par Jean-Claude Rennwald, conseiller national (PS/JU), vice-président de l’USS

L’Union syndicale et le Parti socialiste sont favorables au deuxième paquet d’accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l’Union européenne (UE). Les deux organisations estiment que ces accords (produits agricoles transformés ; Schengen ; lutte contre la fraude, fiscalité de l’épargne, etc.) contribueront à améliorer nos relations avec l’Union. A propos de Schengen, l’USS note que notre intégration à cet espace constituera une bonne opération pour 50'000 migrants travaillant en Suisse, puisque les travailleurs qui partent pour l’ex-Yougoslavie durant les jours fériés ou les vacances ne devront plus se soumettre à une procédure vexatoire en matière de visas.

L’USS et le PSS soutiendront aussi l’extension de la libre circulation des personnes aux pays d’Europe centrale et orientale (PECO). L’entrée de dix nouveaux pays et de 75 millions de consommateurs dans le grand marché européen sera favorable à la croissance et aux industries d’exportation. Mais les forces progressistes exigent que le Parlement appuie les mesures d’accompagnement négociées entre le seco et les partenaires sociaux : facilitation de l’extension des conventions collectives, nombre suffisant d’inspecteurs pour le contrôle du marché du travail, amélioration de l’application de la loi sur les travailleurs détachés. Certains PECO connaissent un chômage de masse (10 à 20 %). Le niveau de vie moyen de ces Etats ne représente que 40 % de celui de l’Union à Quinze. Ils sont presque tous plus pauvres que l’Espagne et le Portugal au moment de l’entrée de ces deux pays dans la Communauté. Les ressortissants des nouveaux Etats membres seront tentés de chercher un emploi en Allemagne, en Autriche ou en Suisse. Or, l’arrivée de ces « nouveaux » salariés ne doit pas se transformer en instrument de pression sur les salaires.

A moyen terme, quelques questions plus fondamentales se posent :

• Le bilatéralisme va-t-il favoriser notre adhésion à l’Union ? On peut en douter. Avec le premier paquet d’accords, les dirigeants de l’économie ont atteint leurs objectifs, et beaucoup veulent désormais attendre vingt ans avant de reparler de l’adhésion ! Cette tendance se renforcera avec les nouveaux accords bilatéraux, comme en témoigne cette déclaration de Pierre Mirabaud, président de l’Association suisse des banquiers : « En signant les accords bilatéraux II, nous avons bétonné le secret bancaire pour quinze ans au moins. » .

• Ne serait-il pas temps que la Suisse dépasse les accords économiques, pour reprendre aussi les normes sociales de l’Union (protection contre les licenciements, durée du travail, etc.) ?

• Entre 1995 et 2004, la croissance par tête d’habitant aura été trois fois plus forte au sein de l’UE (+ 21 %) qu’en Suisse (+ 8 %). Du fait que les nouveaux accords ne seront pas suffisants pour combler ce retard et que le niveau de vie moyen entre les Helvètes et les Européens s’est considérablement réduit, la Suisse n’aurait-elle pas intérêt à adhérer rapidement à l’Union pour profiter pleinement de la dynamique du grand marché intérieur ? « Depuis ces 40 dernières années, précise Jean-Pierre Ghelfi, conseiller économique du syndicat FTMH, le rythme de croissance des pays de l’UE est à peu près deux fois plus rapide que celui de la Suisse. A la fin des années 50, début 60, le niveau de vie moyen était deux fois plus important en Suisse que dans les autres pays, c’est-à-dire de la moyenne de niveau de vie des Quinze. Aujourd’hui, cet écart n’est que de 20 %. »

• Les consommateurs vont-ils continuer de payer leurs achats au prix fort en comparaison européenne ? La Suisse est en moyenne 40 % plus chère que l’UE (50 % pour l’alimentation et 90 % pour les loyers) !

• N’est-il pas temps de remarquer que les accords bilatéraux négociés jusqu’ici l’ont été dans une Union qui comprenait 15 membres, mais que celle-ci en compte désormais 25 et qu’il sera à l’avenir quasi impossible de trouver des solutions taillées sur mesure pour la Suisse ?

Dans ces conditions, une seule stratégie paraît envisageable : accepter les bilatérales II, l’extension de la libre circulation des personnes et les mesures d’accompagnement, puis relancer immédiatement l’adhésion de la Suisse à l’Union, tout en engageant les réformes internes nécessaires (fédéralisme, droits populaires, fiscalité). Les proeuropéens doivent prendre l’engagement de ne plus monter dans un troisième train d’accords bilatéraux, même si ce travail a déjà commencé au sein de l’administration pour la libéralisation des services et l’électricité.

Tout cela ne signifie pas que l’Union est un paradis terrestre. Dans un ouvrage remarquable, « Je vous parle d’Europe », Elisabeth Guigou, ancienne ministre des Affaires européennes et aujourd’hui députée PS à l’Assemblée nationale, tire un bilan sans complaisance : « L’euro n’a pas suffi à doper la croissance, à diminuer nettement le chômage ni à conduire l’Europe vers « l’union politique de plus en plus étroite » souhaitée par le Traité de Maastricht. Confrontée aux nouvelles menaces, l’Europe semble, aujourd’hui, en panne. Les gouvernements sociaux-démocrates, majoritaires au milieu des années 1990, ne surent pas utiliser leur force pour des initiatives d’envergure capables de renforcer l’Union avant le grand élargissement, et de définir pour cette grande Europe un nouveau progrès. »

Effectivement, l’avenir de l’Europe suscite des interrogations :

• L’Union consacre-t-elle suffisamment de moyens à son élargissement et celui-ci se traduira-t-il par une augmentation du niveau de vie dans les nouveaux pays membres ? Certainement pas, du fait que les Quinze ne verseront que 25 milliards d’euros pour la dynamisation de l’Europe centrale et orientale entre 2004 et 2006, alors que le Plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe avait coûté 97 milliards et la réunification allemande 600 milliards !

• Cette Europe à Vingt-cinq ne risque-t-elle pas de se transformer en une simple zone de libre-échange, alors que les pères fondateurs voulaient donner à l’Europe une ambition politique et sociale ? Sans aller jusqu’à adhérer aux propos de Jacques Julliard, pour qui « l’élargissement, effectif depuis le 1er mai, est le triomphe posthume de la doctrine Thatcher, c’est-à-dire d’une Europe minimale, dépourvue d’identité et privée des attributs de puissance, la fin provisoire du rêve européen. » (Le Nouvel Observateur, 13 mai 2004), on est en droit d’avoir des craintes.

• Si elle veut séduire ceux qui vivent sur son sol, l’Union ne devrait-elle pas être plus offensive sur le front de l’emploi, investir davantage dans la formation et la recherche, augmenter les fonds structurels pour préserver la cohésion de l’Europe, créer une citoyenneté européenne et une vie démocratique à l’échelle du continent ?

Ces questions touchent en priorité les membres de l’Union. Mais les Suisses ne peuvent pas les esquiver, d’autant plus que face aux Etats-Unis et à la montée de l’Inde et de la Chine, notre pays a intérêt à voir émerger une Europe forte. Enfin, l’Union est le seul ensemble de cette taille respectueux des valeurs démocratiques et doté d’un minimum de cohésion sociale, comme en témoignent les directives relatives aux conditions et à la durée du travail, à l’égalité hommes femmes, aux droits des représentants des travailleurs dans les entreprises, ou encore la directive « Renault-Vilvorde » sur l’information et la consultation des travailleurs lors de restructurations. L’Union a progressivement mis en place un compromis historique entre les contraintes économiques et la satisfaction des besoins sociaux. Aujourd’hui, ce compromis est menacé, mais ce n’est pas en assimilant la barrière des Alpes à « l’horizon indépassable de notre temps » que les Suisses contribueront à sa sauvegarde et à son développement.

Jean-Claude Rennwald

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Jean-Claude Rennwald - conseiller national
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E-mail : rennwald@bluewin.ch - Internet : http://www.rennwald.ch
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